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Une principauté coincée entre la Suisse et l'Autriche au tableau idyllique et aux secrets bancaires bien gardés Le Liechtenstein, un paradis fiscal au cœur de l'Europe
Lorsque nous traversons la belle vallée de Fildkirch où le vélo est le moyen de locomotion le plus approprié en ces lieux enchanteurs comprimés entre deux montagnes boisées, la Suisse se retrouve sur votre droite et l'Autriche, déjà bien en arrière après la bifurcation d'Insbruck la fameuse station de ski des Alpes. Au-delà du poste frontalier de Shwann qui vous immerge dans la principauté du Liechtenstein, le tableau est idyllique. Dans les petits prés bien ordonnés, la vache à lait à taches blanches et noires broute l'herbe verte et les magnifiques maisons surplombant les hauteurs de Vaduz, la capitale, ne déparent pas le paysage paradisiaque en s'incluant dans un ensemble de bois, de fleurs et de verdure d'une rare beauté pour le citadin que je suis, habitué à l'urbanisme hirsute, briqueté et bétonné des villes algériennes. En fait, rien ne laisse transparaître que ce havre de paix incrusté dans son écrin naturel si captivant au premier regard, pouvait renfermer une véritable industrie du blanchiment d'argent, même si les preuves solidement gardées dans les entrailles de la vingtaine de banques de la principauté viennent à manquer. A Vaduz, l'air est vivifiant et l'accueil chaleureux dans une contrée qui renferme deux tiers de citoyens et un tiers d'étrangers et où se côtoient, nous laisse-t-on entendre, 90 nationalités différentes. Le Liechtensteintois achète et vend en monnaie suisse après un accord passé avec la Confédération helvétique et parle un allemand que les Allemands ne comprennent pas (mélange de dialecte local et de suisse alémanique). Comment se faire alors comprendre au niveau des institutions quand il s'agit de débattre des problèmes de la principauté ? Le Liechtenstein est dirigé par le prince Hans Adam II, souverain issu d'une monarchie héréditaire constitutionnelle gouvernée sur une base démocratique et parlementaire. Il est le chef de l'Etat mais n'interfère pas dans les affaires intérieures de sa principauté que dirige un gouvernement de coalition de cinq ministres (dont le Premier ministre) désigné consensuellement par les trois partis politiques importants en lice lors des élections législatives. Le prince et sa famille qui vivent le plus souvent à Vienne, en Autriche, s'occupent des grandes projections d'un pays, certes membre à part entière de l'ONU depuis 1990, mais dont la préoccupation majeure, nous dit on, est la grosse tendance à la mondialisation qui est en train de redonner de la force aux grands ensembles géopolitiques, au détriment des petits espaces économiques. C'est, pense-t-on à Vaduz, un risque majeur pour la stabilité, la pérennité et la prospérité du Liechtenstein. Une puissance financière de 160 KM2 En fait, la politique du futur est l'apanage du prince, les affaires quotidiennes sont plutôt expédiées par un gouvernement de cinq ministres cumulant pour chacun d'eux plusieurs portefeuilles (un membre de ce gouvernement peut être à la fois ministre de la Justice, de l'Intérieur, du Tourisme et de l'Environnement par exemple). La population locale, comme en Suisse voisine, a pour sa part des droits forts grâce à la votation (1000 signataires peuvent provoquer un référendum) qui ne peut être contrecarrée par un Parlement de 25 membres. L'originalité de cette chambre tient à ce que les députés ne sont pas employés à plein temps. Ils sont pour la plupart banquiers, commerçants, artistes ou rentiers et partagent leur temps entre leur exercice professionnel et la préparation des lois. Centre financier important, les produits bancaires induisent l'essentiel des revenus de la principauté, renforcé il est vrai par les services manufacturiers générés par deux grandes entreprises agroalimentaires leaders dans leur domaine en Suisse et en Allemagne. Les autorités du Liechtenstein ont rejoint depuis peu l'avis de la famille princière sur la nécessité absolue de composer avec les réalités contemporaines occidentales. Les pays occidentaux accentuent la pression touchant la recherche d'une transparence bancaire afin d'endiguer le fléau de l'évasion fiscale dont l'ampleur était jusqu'à ces dernières années insoupçonnée. C'est pour cela qu'il devient urgent pour le Liechtenstein de diversifier ses sources de revenus. Avec sa portion de territoire limitée et une population congrue (30 000 habitants), la principauté ne peut réorienter son économie dans la production industrielle de masse. La réflexion tourne plutôt autour de l'idée de renforcer la recherche scientifique et technique (7% du PIB lui sont déjà consacrés) et de favoriser l'implantation d'une industrie de haute technologie. La porte-parole du gouvernement ne va pas par quatre chemins pour situer les ambitions locales en la matière : « L'Europe n'a-t-elle pas besoin de renfermer en son sein une réplique de la Silicon Valley pour mettre le continent à la pointe du progrès. Nous avons dans nos plans de devenir un centre de haute technologie abritant la matière grise internationale pour élever notre développement économique au niveau de nos performances bancaires et autres services financiers. » L'étau qui se resserre en Europe autour de ce paradis fiscal au gré des scandales financiers implique du Liechtenstein de négocier un virage important de son devenir. Auquel cas, la famille princière risquerait de tout perdre, y compris son patrimoine artistique accumulé depuis des générations et qui compte parmi les plus grandes collections d'œuvres d'art du monde.