La ville de Sétif se fait coquette et propre pour être digne d'un grand carrefour et d'un grand centre urbain. Pour des raisons de programme, nous laissons la visite de la ville des rochers, vite contournée elle-aussi, pour le retour. Aussi, nous nous enfonçons directement vers El Khroub et Aïn Abid, il devient plaisant de conduire. Cela n'a rien à voir avec la densité de la circulation de la Mitidja et des grands axes routiers autour de la capitale. Vous mettez des kilomè-tres pour croiser un véhicule. Toutefois, les radios locales vous prennent en charge, dès que vous quittez une région pour une autre. Ainsi, au revoir celle des Hauts Plateaux, basée à Sétif pour être accueillis avec chaleur par celle de Constantine et plus loin par celle de Annaba et de Souk-Ahras. Elles développent des animations remarquables et tiennent des programmes riches sur l'information locale qui captent l'intérêt des auditeurs. En tout cas, beaucoup d'emportement et d'audace qui vous aident à éloigner l'ennui et à soulager quelque peu la fatigue. Ainsi, nous traversons allègrement la haute vallée de Oued Zénati, célèbre pour son blé el belyouni qui a charmé le coeur de la chanteuse populaire aimée et estimée, la regrettée Zoulikha. Cette région produit également une variété de melon vert très appréciée, qui ne se cultive qu'ici en raison du sol fertile et du climat sec mais doux. La ville de Abdelhamid Mehri se développe rapidement dans les hauteurs. Comme il y a une escalade du côté ouest à partir de Mansourah vers El Yachir qui vous place sur les Hauts Plateaux, il y a une descente de l'autre côté au niveau du col de Aïn Hssaïnia qui culmine exactement à 937 mètres d'altitude, pour ensuite entreprendre la descente vers la vallée du Seybouse, qui a la particularité d'avoir le seul oued en Algérie qui ne se dessèche pas en été. Avant d'y arriver, le visiteur ne peut ne pas marquer une halte à la source de Aïn Hssaïnia pour se désaltérer et goûter aux fruits de saison, principalement le les figues de barbarie, les figues et les amandes, en abondance dans cette région montagneuse. Là, commence la végétation boisée, faite d'abord de broussailles et d'oliviers et ensuite de forêts denses. En dehors de ce charme naturel et la fraîcheur de la température, rien ne présageait que le destin de l'Algérie s'était décidé ici même à plus d'un siècle d'intervalle. A deux kilomètres plus bas, vous atteignez un petit bourg délaissé que vous traversez sans vous rendre compte qu'il porte le nom d'un grand homme qui a marqué profondément la guerre de libération et l'histoire moderne du pays et qui n'est autre que celui du défunt président Houari Boumediène en remplacement du nom du maréchal Clausel. En effet, c'est là que ce dernier avait préféré stationner ses troupes avant d'attaquer Constantine. Te-nant compte des échecs répétés contre la ville des rochers en venant par le bas à partir de Azzaba, il avait opté pour une autre stratégie, sur proposition de ses conseillers, en portant l'assaut par les hauteurs pour pouvoir bombarder la forteresse de l'Est et chasser le Bey. C'est un peu ce qui s'est passé pour la capitale. Les Français avaient décidé de la surprendre par les hauteurs de Ben Aknoun et d'El Biar après les échecs cuisants successifs, notamment ceux de Charles V par la baie. Aussi, ils avaient baptisé l'endroit du nom du Maréchal pour immortaliser ce fait colonial. Clausel avait échoué lors de sa première tentative en 1936, ce qui poussa les troupes françaises à revenir en force l'année suivante. Sans doute que son passage par là avait laissé des massacres inédits pour faire taire la résistance des populations locales. L'histoire ne dit rien. Mais l'orgueilleux général devenu maréchal et gouverneur de l'Algérie, savait-il qu'un jour viendrait où un petit enfant né dans ce petit patelin même, grandirait et chasserait la France colo-niale ? Il s'appelle Houari Boumediène, le dernier chef d'état-major de l'Armée de libération. C'est un signe des temps ! Malheureusement, en dehors de la plaque miniaturisée portant son nom, rien n'indique la grandeur de ce lieu, ô combien symbolique ! qui renferme un pan entier de l'histoire de l'Algérie. Il n'y a ni musée ni stèle qui renseigne le visiteur et témoigne de l'apport de cette région restée délaissée qui mériterait une image autre que celle-là. De même, cette région-là, de par son relief montagneux et fortement boisé, a apporté un concours fondamental dans la guerre de Libération nationale, en servant de lieu de transit vers la Tunisie. C'est là également qu'eurent lieu les batailles rangées les plus violentes et les plus meurtrières entre les djounoud de retour, armés puissamment, et les soldats de l'armée française avec tous les moyens sophistiqués dont ceux prohibés comme le napalm. Combien de djounoud venus des Hauts Plateaux, de la lointaine Kabylie ou du Centre, avec l'espoir de retrouver un jour les leurs, avaient trouvé la mort, ici, dans l'anonymat pour que vive l'Algérie indépendante ! L'histoire retiendra qu'ici même, le colonel Jean Pierre, fraîchement décoré pour ses « exploits » dans la guerre de Suez, avait été triomphalement tué par nos valeureux djounoud qui avaient abattu son hélicoptère de combat. A part le film Patrouille à l'est, qui a su retracer avec succès une partie de ces épopées légendaires, il règne un vide inquiétant. Au moment où l'on célèbre le cinquantième anniversaire du déclenchement du 1er Novembre 1954, cette région nous interpelle pour réécrire les hauts faits qui l'ont marquée afin de sauvegarder la mémoire et lutter contre l'oubli. Toutefois, cette région connue pour ses stations thermales, sa vallée, ses plaines et ses montagnes, a un autre aspect à montrer et qui consiste en la richesse de ses sites touristiques qui ne laisse pas le visiteur indifférent. Un véritable paradis où l'histoire tant ancienne que moderne, côtoie la beauté des lieux. Prochaine descente à Guelma qui vous accueillera chaleureusement bien.