Sous les arbres millénaires, à l'auberge de l'Hôtel du Djurdjura ou encore plus loin à Aswal, les familles affluent chaque jour. La montagne somptueuse, l'air pur et les paysages féeriques les y invitent. Vendredi: il est 9 h. La circulation est réduite. Les automobilistes se font rares sur la RN 33 menant de Bouira à Tikjda. Il fait frais. En quittant la ville de Haïzer, encore endormie, le chemin devient de plus en plus difficile d'accès, mais depuis, la récente réfection du bitume a facilité bien des choses aux automobilistes. De village en village, la montée est agréable tant la fraîcheur des lieux invite à l'escapade. Premier arrêt, le cantonnement de la garde communale. Grande bâtisse, la structure domine et semble veiller sur tout ce qui bouge. Depuis la terrasse et les embouchures donnant de tous les côtés de la petite forteresse, les éléments de la garde sont aux aguets. Ici, on n'a pas le droit de se sentir abandonné, au contraire, comme l'air pur qui emplit les lieux, la sécurité est inhalée à pleins poumons. On entend même le silence. Un silence où planent une confiance totale et un bien-être incommensurable. «Ici c'est la paix, tout est tranquille. Les familles qui y viennent se sentent en sécurité. Regardez-les d'ailleurs, elles préfèrent s'éclipser au milieu des arbres pour pique-niquer dans la convivialité», soutient un responsable de l'Hôtel du Djurdjura. Passé le temps de la peur, la vie a repris de plus belle à Tikjda. Le parc est entièrement sécurisé. Sur les lieux, les forces chargées d'accomplir cette noble mission sont constamment en éveil et ne baissent pas la garde. Le roi magot 9h45. nous arrivons tout en haut. La vue est magnifique. La nature nous tend les bras. La station climatique nous fait face, alors que nous arrivons à proximité d'un ex-chalet nouvellement transformé en café-restaurant. 300 mètres plus loin, un groupe de la garde communale nous reçoit avec le sourire et l'un deux nous fait signe de passer. Notre voiture entame un sentier étroit, semi-bitumé et nous avançons sous de grands chênes, sapins et autres arbres millénaires. Au fur et à mesure, nous découvrons la diversité des espèces qui peuplent le Parc national du Djurdjura. «La réserve protégée s'étend sur 18 550 hectares, elle est classée réserve biosphère depuis 1997», nous fera savoir M.Kaci, le brigadier en chef des gardes-forestiers. Cinq minutes plus tard, nous débouchons sur une bifurcation. Trois ou quatre singes magots nous souhaitent la bienvenue. L'un d'eux grimpe les escaliers de l'Hôtel Djurdjura. Sans doute cherche-t-il quelque chose à se mettre sous la dent. Avant les années sanglantes et le fameux incendie qui avait ravagé, le 30 août 2000, quelque 2000 ha de la réserve du parc, les singes ne s'aventurent jamais loin de chez eux, c'est-à-dire au milieu des arbres. Mais le sinistre ayant détruit le site et faisant disparaître des milliers d'arbres, la nourriture de ces animaux est devenue rare. C'est pour cette raison, d'ailleurs, que les bêtes vivant dans la forêt quittent souvent les bois pour aller se nourrir dans les vergers et les jardins du voisinage causant des pertes incommensurables tant à la faune qu'à la flore. Aujourd'hui, les séquelles de la catastrophe sont toujours visibles à Tikjda où une bonne partie de la flore peine à se régénérer. En face de nous, une plaque annonce l'altitude du site: 1475 m au-dessus de la mer. Sur la droite, la route continue vers Bouira, sur la gauche, une autre monte vers Aswal (à 10 km environ) où se trouve le centre d'entraînement pour les équipes nationales. Nous empruntons le chemin du milieu, celui qui mène à l'Hôtel Djurdjura et, plus loin, vers le complexe sportif. Nous accédons au parking où nous garons notre véhicule après avoir été autorisés à stationner par les agents de sécurité. Une vue d'ensemble nous donne une idée de l'ampleur de la nuisance et de la dévastation terroriste des lieux durant la tragédie nationale. Les séquelles sont toujours présentes car une grande partie de l'hôtel porte toujours les traces de la désolation. La direction de l'hôtel fait de son mieux pour parer au plus urgent en entamant des réparations par-ci, par-là. Mais cela ne suffit pas et le gros des travaux, notamment la réhabilitation de l'un des trois pavillons comprenant quelque 64 chambres et une suite, n'est pas encore à l'ordre du jour. La question relève de l'EGT Centre (Entreprise de la gestion touristique du Centre) qui, à ce jour, n'a pris aucune initiative concernant la réfection de la partie endommagée de l'établissement. Cela n'empêche nullement l'hôtel et l'auberge attenante de fonctionner actuellement à plein temps avec une capacité d'accueil de 29 chambres et 6 appartements. De plus, les prix affichés sont étonnamment accessibles et, en hiver comme en été, la direction accorde des tarifs étudiés et offre même des nuitées gratuites à ses clients. En effet, en affichant le prix de la chambre à 1300 DA et celui de l'appartement à 4000 DA en période de haute saison, la direction de l'Hôtel du Djurdjura veut vraiment faire de la promotion. Le seul inconvénient est le fait que seules quelques agences de voyages jouent leur rôle comme il se doit. Elles préfèrent faire de la publicité au profit d'établissements étrangers que de faire connaître à leur clientèle les atouts touristiques du pays. A l'intérieur, une cafétéria est ouverte et une vaste terrasse entoure la piscine. Les lieux sont accessibles aux locataires de l'hôtel seulement mais les familles de passage ouvrent également droit à la visite. Pour sa clientèle (groupes de jeunes, couples, familles, délégations étrangères...), la direction de l'hôtel organise, en outre, des randonnées pédestres et des visites guidées grâce à l'aide précieuse des agents et des gardes forestiers du Parc du Djurdjura. Au paradis des Verts Nombreux sont les fans de Tikjda qui viennent tout au long de l'année goûter à ses plaisirs. Parmi eux nous avons rencontré le jeune Issaâd d'Alger. Il était au bord de la piscine en compagnie de sa petite famille. «Je viens à Tikjda depuis ma tendre enfance. Le site m'attire et c'est ici que je me sens à l'aise, en été comme en hiver. Seul, en groupe ou en famille, Tikjda a toujours été ma destination privilégiée. On vient se ressourcer. On fait du camping, on organise des randonnées pédestres ou en VTT et c'est magnifique. Tout ce qu'on fait ici n'a pas de prix», affirme notre interlocuteur qui regrette que les autorités n'accordent pas suffisamment d'intérêt à ce pôle touristique aux multiples atouts. «C'est désolant de voir le site abandonné à son triste sort, alors qu'il suffit de peu pour relancer le tourisme dans cet immense paradis. La réhabilitation des pistes de ski et des remontées mécaniques tarde à venir...», ajouta cet amoureux de Tikjda. Actuellement, la station de Tikjda manque de beaucoup de commodités mais il suffit que les autorités de la wilaya s'engagent pour que le site retrouve ses lettres de noblesse. Les quelques familles rencontrées sur les lieux, espèrent trouver à l'avenir des espaces de loisir, pour leurs enfants. «On vient souvent ici mais les enfants ne trouvent pas où jouer. On aurait aimé trouver un parc d'attraction et des manèges. Cela manque énormément et, de ce fait, beaucoup de familles vont ailleurs et ne viennent pas à Tikjda», nous dira un père de famille venu de Béjaïa. Les mêmes propos sont tenus par M. Kaci, le premier responsable du Parc national du Djurdjura, qui souhaite, lui aussi, qu'un jour les enfants trouvent où jouer à Tikjda. Rencontré au niveau du centre d'information et d'orientation, notre interlocuteur revient longuement sur l'environnement et le respect de Dame nature, sur le rôle qu'accomplissent ses coéquipiers et lui en matière de sensibilisation des visiteurs et sur les espèces animales et végétales qui peuplent la réserve forestière. Il citera, entre autres, le singe magot, le chacal, le renard, la hyène rayée, le vautour fauve, la perdrix grise, l'aigle royal... que le Djurdjura accueille. Il est midi passé, depuis la terrasse de l'auberge où nous nous sommes rendus, de l'autre côté de la route située en contrebas, une famille de plusieurs personnes déroule un grand tapis à l'ombre d'un chêne. Soudain, une série de klaxons rompt le silence. Un cortège nuptial traverse les lieux, des voitures venues du côté de Tizi Ouzou se succèdent puis disparaissent. Le restaurant situé au premier étage assure une centaine de couverts à chaque repas. Quelques tables sont déjà occupées et le personnel de service veille au grain. En ce moment, l'hôtel compte une cinquantaine de locataires venus de différentes régions du pays. La semaine passée, une délégation française y avait séjourné pendant quelques jours. Celle-ci participa au deuxième festival de montagne qu'organise l'association Mimouna de Haïzer et elle devrait revenir vers le site avant de quitter le pays, apprend-on des responsables de l'hôtel. Dehors, la grisaille de la matinée a laissé place à un soleil de plomb. Nous faisons quelques pas sous les rayons dorés. Avant de quitter les lieux, nous nous rendons au bureau du brigadier en chef de la garde forestière, situé à quelques mètres de là où nous abordons différents sujets en relation avec le site paradisiaque.