Une autre journée du même mois d'une autre année qui nous convoque pour nous rappeler l'antique Casbah. Cette cité qu'on ne sait plus si on doit la sauver ou l'abandonner à son triste sort. On ne sait plus si on doit la bénir, la pleurer ou la maudire. Ce legs architectural déserté par les uns et bricolé par les autres. Ce bien matériel sur lequel on n'a de cesse de poser le sempiternel regard tristounet sur ses murs décrépis que les anciens évoquent non sans un brin de nostalgie au détour de ses ruelles et venelles. Ce pan de mémoire chargé d'histoire, de culture et de hauts faits d'arme qui s'étiole par fragments à mesure qu'on avance dans le temps et dans l'espace. Des 1800 bâtisses à l'époque ottomane, il ne subsiste que quelque 500 « douérate », dont nombre d'entre elles crient leur peine. L'espace d'une journée de célébration, clonée sur les précédentes, les uns vont se réunir pour tenter de secouer le cocotier en criant à la mort annoncée d'un site classé dans les tablettes de l'Unesco, au moment où d'autres atermoient sur l'urgence, sinon tiennent à éclairer notre lanterne qu'un programme est mis en branle pour sauver ce qui reste à sauver de la relique. Et puis plus rien. Depuis le Comedor des seventies jusqu'à l'ERC en passant par l'Ofirac, les programmes, sitôt élaborés, sont vite jetés aux orties. Mis au rancart. Dans le meilleur des cas, on conforte avec des étais les parois d'un « sabat » ou on passe notre temps à corriger la copie d'étude d'un plan d'action qu'on dit obsolète. Entre-temps, la main de l'homme se fait complice de l'outrage du temps. Triste décor qui n'invite pas moins à voir ce qui se passe chez nos voisins de l'Ouest, où les riads, ces vastes demeures traditionnelles marrakchies, constituent un véritable marché attractif pour les investisseurs étrangers qui se les offrent pour une bouchée de pain avant de les « relooker » pour y habiter. Quoi qu'on dise, c'est une manière non moins intelligente de contribuer à la perpétuation du bâti ancestral. Cela n'est pas moins vrai aussi du côté de nos voisins de l'Est qui créent des pôles d'habitation traditionnels en restituant l'ambiance qui y sied aux fins de capter le visiteur en quête de dépaysement, et du coup capitaliser leur patrimoine. En revanche, chez nous, nous traînons notre patrimoine comme un boulet scellé au pied d'un bagnard. On assiste passivement à son délitement, voire à son agonie.