Le film était en concurrence avec La Môme d'Olivier Dahan. Tous les deux repartent avec une belle moisson de césars. Quatre pour La Graine et le Mulet, cinq pour La Môme. Nominée aux oscars, Marion Cotillard remporte sans surprise le césar de la meilleure actrice. Cette cérémonie confirme le talent du dénicheur de talents Abdellatif Kechiche. Hafsa Herzi, après Sara Forestier en 2005, repart avec le prix du meilleur espoir féminin. Elle sera à l'origine de la séquence émotion de la cérémonie en versant quelques larmes à l'annonce de son nom. Assez mal à l'aise, le cinéaste a remporté une heure plus tard son césar à lui, celui du meilleur réalisateur ainsi que celui du meilleur film et du scénario original. Pas de message politique, sinon celui contenu dans le film, Abdellatif Kechiche a remercié son père, « petit ouvrier du bâtiment ». « J'ai l'impression que vous me donnez une légitimité et qu'on se dit quelque chose de très important... Cela me touche beaucoup. Il y a une revendication commune à défendre un cinéma qui n'est pas tout à fait dans les rails et qui se risque à sa propre liberté, et je vous remercie de me donner cette légitimité », a déclaré, non sans émotion, l'auteur de la Faute à Voltaire, son premier film. A 47 ans, Abdellatif Kechiche prouve par son œuvre qu'on peut être réalisateur sans s'enfermer dans un moule. Avec son cinéma particulier, proche des petites gens, il continue de scruter les rapports humains. La Graine et le Mulet est un questionnement infini et tendre. Y a-t-il une vie après 60 ans ? Peut-on survivre à un chômage forcé à cet âge-là ? Quand on est maçon et qu'on n'arrive pas à suivre le rythme, c'est souvent la porte. Slimane Beiji ne déroge pas à la règle. Il a passé sa vie à se faire maltraiter par ses patrons. Désœuvré, solitaire, il erre dans le port de Sète. En regardant les pêcheurs, une idée s'impose à lui : ouvrir un restaurant couscous-poissons. Slimane a un grand cœur mais peu d'argent. Son ancienne épouse aurait préféré une pension alimentaire pour sa fille et non du poisson frais. Sur sa mobylette, il approvisionne sa famille en poisson frais, donné généreusement par des pêcheurs. Dans son hôtel pourri, qui sert de mouroir à d'autres vieux immigrés célibataires, Slimane rêve de devenir patron, alors que ses enfants lui conseillent un retour au bled. Abdellatif Kechiche scrute avec beaucoup de tendresse les rapports humains, l'immigration, l'identité (les identités), la solitude…