C'est connu, le tsar Abdelaziz Bouteflika parle rarement aux Algériens. Mais dans son dernier entretien, qu'il a donné aux Russes par l'intermédiaire de l'agence Tass, le président de toutes les Algéries a cité entre autres la forteresse de Saint Petersburg et la perspective Nevsky à propos des choses qu'il admirait en Russie. Si l'on peut comprendre qu'un président algérien aime les forteresses et les hautes murailles, pour ce qui est de la perspective Nevsky, c'est un peu plus compliqué. Acho d-ouagui ? Qu'est-ce que la perspective Nevsky ? C'est d'abord la plus grande artère de la ville de Saint Petersburg, berceau de Poutine et en même temps le titre d'un livre de Nicolaï Gogol, où le narrateur croit voir partout des cordonniers. Mais la perspective Nevsky est surtout un problème de profondeur de champ, une perspective inventée par la Renaissance à partir de ce problème : comment transcrire un monde en trois dimensions sur un tableau en deux dimensions. Il y eut la perspective persane, qui établissait que ce qui est loin est en haut du tableau, et ce qui est près, en bas. Puis les Italiens, comme De Vinci, qui invente la perspective aérienne, celle des ombres et celle qui va devenir la fameuse perspective Nevsky. Pour un président algérien, qu'est-ce que peut être la perspective Nevsky ? Elle pourrait se résumer à ce problème, d'ordre géométrique et politique. En empruntant des lignes de fuite et en s'enfonçant aveuglément dans la perspective en évitant la profondeur, comment descendre à Alger boire un verre d'eau sans rencontrer les grévistes ? Il n'y a de réponse qu'urbanistique. La station de dessalement de l'eau de mer est au Hamma, au bord de la mer, les grévistes sont un peu partout. Ce qui devait se passer s'est passé. Le président algérien habite Alger, il est sorti deux heures de chez lui et n'a pas rencontré les grévistes à Alger.