Le 16 février, vous étiez victime d'un attentat sur la route de Tadmaït, dans la wilaya de Tizi Ouzou. Qui aurait intérêt à cibler le premier secrétaire du FFS et que pensez-vous des précisions données par le porte-parole du gouvernement et du « démenti d'Al Qaïda » mis sur un site internet ? La direction du parti persiste et signe que le premier secrétaire du FFS a été visé directement par cet attentat. L'étude balistique la plus simple prouve au premier venu que l'angle du tir et le tir (une balle) est l'œuvre d'un tireur ayant connaissance de sa mission et de sa cible. Ceci étant, cet attentat a été minutieusement masqué. Il y a eu un attentat dans l'attentat. C'est-à-dire que tout a été programmé pour que l'attaque contre le premier secrétaire soit diluée et masquée par une rituelle attaque contre les militaires. Il est pour le moins curieux que l'attaque se soit produite dans le périmètre de sécurité d'un barrage qui existe depuis toujours et d'une des plus importantes casernes de la Kabylie. On ne peut qu'être surpris par la coïncidence unique des positions du porte-parole du gouvernement et du communiqué d'Al Qaïda concernant l'analyse de l'attentat. Les deux parties affirment que l'attaque de Tadmaït ne visait pas le premier secrétaire. Le FFS ne peut que regretter l'entreprise de désinformation menée par des articles de la presse dite indépendante autour de cette question. Donné pour « vaincu militairement », le terrorisme continue de faucher des vies humaines en Algérie. Comment expliquez-vous cette situation ? Vaincu militairement ? Personnellement, je ne suis pas un expert des conflits asymétriques. Je vous laisse la responsabilité de cette évaluation. Quels que soient les moyens et les tactiques utilisés, le plus important ce sont les finalités politiques poursuivies par les protagonistes. En tant que fils de ce pays, le coût humain de ces affrontements est inacceptable. A qui profite la dégradation de la situation sécuritaire ? That is the question. Le calvaire des Algériens, ce sont les attentats, mais aussi le paysage défiguré par les barricades, les fossés, les routes barrées et les innombrables barrages et points de contrôle. C'est infernal et impossible que de vivre dans l'insécurité, l'inquiétude et le stress permanents. Les promoteurs du projet de la révision constitutionnelle redoublent d'activité et appellent le président Bouteflika à briguer un troisième mandat. Quelle lecture en faites-vous ? Dans un pays de non-droit absolu comme le nôtre, où l'Etat est privatisé, à quoi peut bien servir une Constitution, si ce n'est d'outil de légitimation interne et surtout à visées extérieures. Que la révision constitutionnelle soit engagée ou annulée, elle ne changera rien au fond du problème. Au regard des équilibres politiques réels, des centres de décisions réels, la révision constitutionnelle ou même l'annulation de cette révision ne garantissent en rien le respect des libertés fondamentales et le principe de l'alternance au pouvoir. La persistance des rapports de force nus, c'est-à-dire violents, continue de nous installer dans la logique des alternances claniques. A l'heure actuelle, tout se passe comme si Bouteflika est innocent de ces menées politiques et constitutionnelles. S'agit-il d'une vraie hésitation, s'agit-il d'un consensus pas encore réalisé ou enfin s'agit-il d'un silence à usage tactique ? On laisse à ses lieutenants le soin de fermer le jeu très tôt pour empêcher toute dynamique politique alternative, en se réservant le choix du moment et du comment pour confirmer la candidature. Les réseaux faisant office de société civile sont chargés de présenter cette candidature comme une demande populaire. Ces réseaux parasitaires qui pervertissent la notion de société civile compromettent toute évolution vers la modernité et vers la démocratie. Le pouvoir assume la lourde responsabilité d'organiser l'échec de la société civile après avoir organisé l'échec de la société politique. Récemment, des journalistes et des intellectuels ont lancé une pétition contre la révision constitutionnelle. Que pensez-vous de l'initiative ? Pour le FFS, cette pétition a le mérite d'exister à un moment où il n'y a aucune force du champ politique qui se soit opposée publiquement à la révision constitutionnelle ni au troisième mandat promis à Bouteflika. Cela intervient au moment où les forces qui sont en faveur de cette option cherchent de façon très précoce à fermer le jeu politique et à forcer un consensus dur et large autour de cette option. Il est clair qu'il ne saurait y avoir d'hostilité en direction d'une initiative que nous croyons de bonne foi. Mais nous ne pouvons pas éluder les appréciations différentes que nous avons sur les enjeux et les stratégies à mettre en œuvre devant la situation actuelle. Tout le monde s'accorde à constater la fermeture des champs politique et médiatique. L'intelligence voudrait que nous recherchions ensemble les possibilités de les reconstruire. Nous nous donnerons ainsi une capacité d'intervention réelle pour construire à terme un rapport des forces politique, national et international favorable à l'enracinement des droits de l'homme, au respect des libertés et à l'instauration de l'alternance. Le président du parti Hocine Aït Ahmed a lancé le 14 septembre 2007 avec Mouloud Hamrouche et Abdelhamid Mehri une initiative pour la démocratisation du pouvoir. Quel écho a-t-elle eu ? Et que faut-il faire, selon vous, pour atteindre un tel objectif ? Cet appel à initiatives pour la démocratisation du pouvoir émane de trois personnalités politiques importantes. Cet appel a reçu un écho favorable dans l'opinion. Je ne peux que constater le silence du pouvoir. Pour ma part, je soutiens totalement cette initiative. Il paraît évident que la suite à donner à cette initiative ne pourra émaner que de la société dans son ensemble. Il me paraît également évident que le projet politique qui pourrait naître de cette initiative sera construit et porté par toutes les forces qui militent pour une alternative démocratique et en faveur d'un changement du système politique dans le pays. J'espère que très prochainement les enjeux, les acteurs et les stratégies qui aideront à réaliser ce projet seront réunis. M. A. O.