Ils habitent tous les deux le quartier de Kouba, fréquentent assidûment la mosquée Appreuval où le cheikh Amine (actuellement en détention) prêchait le « djihad » en Irak. Ils, ce sont Bouaroura Adel et Bahlouli Fateh, à peine les 25 ans dépassés, d'un niveau d'instruction, l'un primaire et l'autre secondaire, et ayant connu Abdelkahar Benhadj, fils de Ali Benhadj. Les deux ont comparu hier devant le tribunal criminel d'Alger pour « appartenance à un groupe de terroristes, apologie du terrorisme et non-dénonciation de criminels ». Bahlouli Fateh a été acquitté et Bouaroura Adel condamné à 3 ans de réclusion criminelle. Le parquet avait requis 15 ans de réclusion criminelle contre Bouaroura, et 10 ans contre Bahlouli. Pour tout le monde, le verdict se voulait « réconciliateur » vu l'âge de ces jeunes, leur situation sociale, mais aussi eu égard à la procédure bâclée de l'instruction. « Je souhaiterais qu'à l'avenir vous tiriez les leçons et que vous ayez à l'esprit que nous avons un seul pays qui a besoin d'être construit. » Un message lancé par la présidente non pas seulement aux deux accusés, mais aussi aux nombreux jeunes barbus, vêtus de kamis, dont le fils de Ali Benhadj, venus assister au procès et qui ont tout fait pour attirer l'attention sur eux. D'abord par leur refus de se mettre debout à chaque fois que la composante du tribunal se retire ou ouvre l'audience, au point où à la fin, visiblement excédée, la présidente leur a fait remarquer : « Je vois qu'il y a des personnes qui ne veulent pas se mettre debout. Celui qui refuse ce tribunal n'a qu'à quitter la salle. » A la vue des policiers, certains d'entre eux se sont exécutés, mais d'autres ont préféré sortir. Selon l'arrêt de renvoi, Bouaroura Adel et Bahlouli Fateh dit Felloudja faisaient partie d'un groupe de terroristes qui a rejoint les maquis de Boghni avec quatre autres éléments après avoir été contactés à la mosquée d'Appreuval de Kouba (où ils suivaient les prêches de cheikh Amine) par un terroriste repenti, Kechida Mohamed. Devant la barre, Bouaroura Adel nie en bloc et déclare que les propos contenus dans les procès-verbaux d'audition ont été extirpés sous la torture. La juge lui fait comprendre que devant le magistrat instructeur il avait déclaré avoir été approché par Kechida à la mosquée Appreuval de Kouba pour chercher d'éventuels recrues pour les groupes armés. L'accusé persiste à tout nier. « Comment le juge peut-il deviner autant de détails sur le nom de Abou Houdeifa qui vous a rencontré à Boghni pour vous diriger au maquis, le fait que ce Thabet Kamel, chauffeur de cheikh Amine, était le contact, etc. » L'accusé : « Je n'ai rien dit de cela. » La magistrate : « Même le juge vous a torturé ? » L'accusé : « Pas du tout. Il s'est très bien comporté avec moi. Ce sont les policiers qui m'ont frappé. » Le procureur général l'interroge sur ses frères : « J'ai quatre frères qui ont été tués. Mon père et mon cinquième frère sont en prison. » Le magistrat : « Le juge n'a donc pas inventé. Pourquoi tenter de tromper le tribunal ? » Bahlouli Fateh adopte la même position. Il est poursuivi pour avoir pris le chemin du maquis après une tentative de voyage en Irak pour appuyer la résistance. Selon l'arrêt de renvoi, il s'est déplacé en Libye puis en Egypte, plus précisément à Assouan, et lorsqu'il a vu qu'il ne pouvait pas rejoindre l'Irak il est revenu au pays où il vendait des CD contenant les prêches de cheikh Amine. Devant la barre, il reconnaît être parti en Libye puis en Egypte, « mais pour apprendre les citations du Coran ». Il nie avoir connu les terroristes cités dans l'arrêt de renvoi. « Pourquoi vous appelle-t-on Felloudja ? Parce que vous vouliez à tout prix rejoindre Felloudja ? », lui demande la magistrate. « Ce n'est pas vrai. Je m'appelle Fateh et je n'ai pas de pseudonyme », répond-il. Dans son réquisitoire, le procureur général explique que Bahlouli est parti en Egypte non pas pour apprendre le Coran, mais pour rejoindre l'Irak, alors que Bouaroura avait rejoint les maquis, mais il est revenu une fois que les terroristes se sont rendu compte qu'il avait la tuberculose. Pour ces faits, le ministère public a requis des peines de 15 années de réclusion contre Bouaroura et 10 ans contre Bahlouli. Maître Hadadi a plaidé l'innocence de Bahlouli estimant que les CD qu'il mettait en vente contenaient des prêches d'un imam attitré nommé par l'Etat. « Même s'il voulait partir en Irak, cela devrait être une fierté, parce qu'il veut défendre l'Islam », déclare l'avocat avant d'être interrompu pour lui faire remarquer qu'il n'avait pas besoin de se mettre en colère. « Je le suis parce que je réagis en tant que musulman. Regardez les lourds moyens qu'utilisent les évangélistes en Kabylie, terre d'Islam, et nous on nous reproche de défendre notre religion chez nous. » La magistrate : « Doutez-vous de mon islam ? » L'avocat : « Jamais. Sinon je ne serai pas ici. » Maître Aisani, défendant Bouaroura, a axé son intervention sur les failles qu'il a relevées en matière de terminologie dans les chefs d'accusation.