Un lézard géant qui attaque New York a fait, entre vendredi et lundi derniers, un carton au box-office américain, avec 46,1 millions de dollars de recettes pour Cloverfield. Les réalisateurs ne s'y trompent pas : les spectateurs adorent les films de science-fiction. Il suffit, pour s'en persuader, de regarder les films sortis récemment (Le Dragon des mers, Jumper), ceux à venir (le dernier volet d'Indiana Jones et le nouveau de Terminator). La science a-t-elle quelque chose à voir avec la science-fiction ? Nous avons demandé à la Tunisienne Kawthar Ayed de nous éclairer sur ces exemples. Au carrefour de la littérature, des sciences et des civilisations, elle prépare un doctorat en littérature comparée sur la science-fiction arabe et occidentale, en cotutelle avec l'université de Sousse en Tunisie et d'Aix-Marseille. Quand la science s'inspire de la fiction JUMPER. L'histoire : depuis qu'il a découvert qu'il pouvait se téléporter n'importe où sur terre, le monde n'a plus de limite pour David Rice. Les murs ne l'arrêtent plus et aucun coffre de banque ne lui résiste. La téléportation est-elle un fantasme de l'homme où un jour pourra-t-on changer d'endroit sans se déplacer ? On peut imaginer que oui, puisqu'on arrive déjà à téléporter des particules. « La technologie de la téléportation de particules, en tant que concept, a été inventée par des auteurs de science-fiction, et largement vulgarisée par la série télé Star Trek en 1966 », explique Kawthar Ayed. Les expériences se réfèrent pour l'essentiel à l'effet EPR, du nom des trois scientifiques Einstein Podolski Rosen. Leur hypothèse : que les particules peuvent agir les unes sur les autres, sur place ou à distance. En 1977, une étude publiée dans la revue Nature révèle que des physiciens ont réussi à faire déplacer des particules. « Les scientifiques disent que dans dix ans, on pourra téléporter des virus », précise la chercheuse. « Mais attention, il ne s'agit pas de la même téléportation que dans Star Trek ! On ne transfère pas un objet d'un émetteur à un récepteur par transfert d'énergie. On détruit une particule sur place pour la recréer à un autre endroit. Ce qui pose, par ailleurs, de sérieux problèmes éthiques… » TERMINATOR 4. John Connor, âgé de 30 ans, leader charismatique de la résistance humaine face aux machines, mène une lutte à mort pour sauver ce qui reste de l'humanité... Les deux prochains épisodes seront surtout axés sur le voyage à travers le temps. Voyager dans le temps, est-ce que ce sera possible un jour ? Il nous manque la technologie pour le faire. « En science-fiction, il existe deux types de voyages : dans le passé et dans le futur », commente la chercheuse. « Le plus logique étant le voyage dans le futur, puisque celui dans le passé implique des paradoxes temporels. » Exemple : si on remontait le temps et qu'on tuait son grand-père, on ne pourrait pas exister dans le présent et donc, revenir dans le passé. « En ce qui concerne le voyage dans le futur, on peut dire que les dilatations dans le temps, prouvée par la relativité restreinte d'Einstein, s'en approchent. De quoi s'agit-il ? Si vous voyagez dans l'espace à une vitesse proche de celle de la lumière, et que vous revenez sur Terre, les quelques jours que vous aurez passé dans l'espace correspondent en fait à des années sur la Terre. C'est une forme de voyage dans le temps. » De même, il existe des raccourcis « espaces-temps ». Dans l'espace, entre deux trous noirs, il existerait un tunnel. « Si on le traversait, en parcourant d'aussi grandes distances, on voyagerait forcément dans le temps. » Bref, en théorie, le voyage dans le temps est possible, mais il nous manque la technologie. Dans le premier cas, nous ne savons pas encore nous déplacer à la vitesse de la lumière. Dans le second cas, la force d'attraction dans les trous noirs est telle qu'un vaisseau ou un être humain entier serait déchiqueté en quelques instants. On ne pourrait y mettre que des particules. Autre alternative : on pourrait aussi créer artificiellement ces raccourcis. Quand la fiction fait réfléchir sur la science INDIANA JONES 4. Le quatrième et dernier épisode des aventures du célèbre archéologue Indiana Jones qui devra lutter contre son ami Mac, un archéologue rival. Dans la jungle, il affronte des fourmis géantes et des guerriers mayas ressuscités. Risque-t-on un jour d'être dépassé par des espèces animales plus puissantes que nous ? Oui, c'est envisageable. « Deux facteurs peuvent nous y conduire : la pollution radioactive et les manipulations génétiques », estime Kawthar Ayed. On sait que les catastrophes nucléaires du XIXe siècle ont altéré l'écosystème. En Irak, des soldats américains ont trouvé des araignées géantes dans des zones bombardées en uranium appauvri. Qui peut dire quels seront les effets à long terme ? » On peut aussi imaginer, au stade où en sont les expériences sur le clonage portées à la connaissance du grand public, que d'autres résultats encore plus avancés sont gardés secrets. Quand le fantastique dépasse la fiction LE DRAGON DES MERS. En Ecosse, loin de la Seconde Guerre mondiale qui fait rage, le jeune Angus MacMorrow découvre un étrange objet qu'il ramène chez lui en cachette. Angus et celui qu'il a baptisé Crusoé vont vivre mille péripéties et redonner un nouveau souffle à une des légendes les plus anciennes du monde, celle du Loch Ness... Existe-t-il vraiment un monstre dans le Loch Ness ? « Les monstres mythologiques n'appartiennent pas à la science-fiction, mais au fantastique », souligne la doctorante. Il convient de distinguer les deux univers, car chacun est régi par ses propres lois. « La science-fiction relève du vraisemblable, le fantastique de ce qui n'est pas explicable par la science. Exemple : donner la vie à un zombie, ressusciter un vampire… La présence de figures terrifiantes comme un cyborg est légitimée par un logique propre à l'histoire, qui s'appuie sur la science. »