Elho, elho kane à gauche, à droite, de travers, en courant, en marchant, en zigzaguant, en galopant. A son propre rythme et au tempo que l'on désire. Mais Elho quand même (« camême »). On ne peut pas dire que Cheikh Sidi Bémol n'avance pas. Chaque nouvel album apporte son lot de sons originaux, de constructions inédites. Rares sont les artistes aussi complexes. Et qualifier sa musique de « Gourbi rock » est rigolo, assez bien trouvé mais aussi assez réducteur. Hocine Boukella, à l'état civil, est un ovni culturel à lui tout seul. Une Algérie réconciliée avec elle-même. Une Algérie loin de la définition de Belkhadem et de ses amis barbéfèlènes. Cheikh Sidi Bémol est la capitale de l'Algérie berbère, arabe, méditerranéenne et africaine. Parce qu'on oublie souvent que nous sommes aussi africains et méditerranéens. La musique algérienne est aussi noire et le Sud ne nous nourrit pas seulement avec le pétrole. Nous n'avons pas fini de payer nos lâchetés avec les Algériens du Sud, ces Noirs qu'on ne voit nulle part, sinon dans des cérémonies folkloriques lors des inaugurations officielles de nos responsables éclairés. Cheikh Sidi Bémol donc ! Cette fois, avec la complicité de Sidi Ahmed Sémiane, il signe un album moins exubérant que les précédents. Il gagne beaucoup en profondeur. Avec Rxis, Wachen hada et Bab El mina, il a trouvé la juste note. Des riffs sans concession. Son ouverture blues et rock apporte cette touche si personnelle qui le caractérise. Finalement Gourbi rock ou pas ? Peu importe. Et comme un bonheur arrive toujours accompagné de sa smala, nous avons droit à un coffret sorti directement de « Louzine ». Un DVD comprenant un film de Samia Chala et de Sid Ahmed Semiane et 8 portraits d'artistes de « Louzine » : Azenzar, Cheikh Sidi Bémol, Gaâda Diwane de Béchar, Samia Diar, Samira Brahmia, Yaness, Zalamite et Zerda ainsi qu'un CD, la compilation de ces artistes. Pourquoi « Louzine » ? L'Association L'Usine, créée en 1998 par Elho, Hanni Ryad (directeur du label musical Samarkand) et l'Orchestre national de Barbès (groupe musical maghrébo-français), est un collectif d'artistes maghrébins et français qui avaient décidé de s'unir pour louer une ancienne usine située à Arcueil, afin d'en faire un lieu de travail, de rencontres et de créations artistiques. De ces rencontres sont nés l'Orchestre national de Barbès, Gaâda Diwane de Béchar et Cheikh Sidi Bemol. Loin, très loin des subventions. D'où cette liberté impudente, farouche et rebelle. Ces artistes n'ont pas fini de chanter une Algérie millénaire et neuve. Une Algérie réconciliée avec elle-même. Ils n'ont pas fini de chanter l'Algérien, cet homme qui est encore miraculeusement debout, grâce à son humour sûrement. L'autodérision pour ne pas désespérer. Il y a de la Mano Négra chez Louzine. Une rage optimiste. A la fin de cet article, direction le premier disquaire. Aucun regret. C'est un conseil undergroone.