La mobilité durable (transports publics et privés), à l'échelle locale, nationale et internationale, les évolutions qu'elle est amenée à connaître, les contraintes auxquelles elle est confrontée sont des questions cruciales qui se posent tant aux décideurs publics, qu'aux acteurs économiques ou aux usagers. C'est ainsi que la Fondation européenne pour le développement durable des régions (Fedre) et le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l'Europe ont organisé un forum sur le thème des « Transports publics et privés plus propres : quelles énergies, technologies et mesures. Les pouvoirs des régions et des villes et le rôle des entreprises » à Genève les 22 et 23 novembre, en collaboration avec plusieurs agences des Nations unies, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, l'UE, le canton et la ville de Genève. Des villes polluées et embouteillées, des routes saturées, des véhicules en nombre croissant qui roulent à 98% aux carburants issus des produits pétroliers, des ressources pétrolières dont la durée de vie est évaluée à 30 à 40 ans. Autant de contraintes et de défis à relever. Autant de solutions à imaginer. Des travaux du forum de Genève, il ressort que les questions de mobilité, qui sont appelées à évoluer considérablement, nécessiteront d'être envisagées de façon globale, c'est-à-dire en termes politiques (acteurs locaux et régionaux, nationaux, internationaux), économiques (secteurs public et privé), d'innovations technologiques, d'environnement et de santé notamment. Les choix futurs en matière de mobilité devront répondre au concept de développement durable. Le forum a préconisé, dans une déclaration finale, un certain nombre de recommandations dont « la mise en place d'une concertation régulière sur la mobilité durable au niveau international ; le renforcement de la coopération et des échanges d'expériences » entre constructeurs automobiles, bureaux d'études scientifiques, entreprises actives sur le marché de l'énergie, autorités politiques pour programmer et mettre en œuvre des politiques de transport ; « l'application effective des législations existantes » ; « une plus grande implication des autorités locales et régionales » ; « le renforcement de dispositions légales et réglementaires incitatives » dans le domaine de la réglementation des véhicules, ainsi que des programmes d'action allant dans le sens de la mobilité durable ; « un soutien à des actions ciblées » menées dans les pays en développement ou en transition, tenant compte de leurs problèmes spécifiques. Les régions et les villes détiennent le pouvoir des changements par des mesures incitatives et dissuasives : fiscalité, taxes, péages, subventionnement, sensibilisation et autres mesures, a-t-il été souligné. De même, il a été relevé que les politiques de transport dans la plupart des pays européens donnent une importance excessive au transport routier. « Cela ne sert à rien de développer les transports collectifs si les personnes ne sont pas encouragées à les emprunter dans le cadre d'une politique de mobilité intégrée », a soutenu Giovanni Di Stasi, président du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l'Europe. Daniel Goeudevert, vice-président de la Fedre, ancien président du directoire de Volkswagen, a relevé que « l'automobile joue un rôle macroéconomique d'importance ». Il a fait remarquer que « les constructeurs d'automobiles disent qu'il y a une surcapacité de production, en parlant essentiellement des marchés européen et américain » alors que « le potentiel est dans les pays émergents comme la Chine et l'Inde ». Aux Etats-Unis, on compte 780 voitures particulières pour 1000 habitants, la proportion est similaire en Europe. Citant des chiffres, il ajoute que l'automobile représente un tiers de la consommation annuelle de pétrole. Un bond de 60% de la consommation mondiale d'énergie sera enregistré d'ici 2030 selon les prévisions de l'AIE. Une des solutions à la réduction de la consommation de pétrole est entre les mains des constructeurs d'automobiles, selon Daniel Goeudevert, elle consiste en la réduction du poids moyen des véhicules. D'autres solutions sont dans l'utilisation de carburants tels que le gaz naturel, l'électricité, le méthanol. « Il faut oser, risquer, faire avancer les choses. On connaît le challenge, sinon dans 30 ans on est dans une situation catastrophique. » Daniel Goeudevert préconise d'éduquer une nouvelle génération d'ingénieurs à fabriquer des voitures différentes. « La voiture à 3 litres aux 100 km, il y a longtemps qu'on aurait dû l'avoir. C'est toute une série d'équipements de luxe qui a fait que la voiture est plus lourde. Des voitures plus lourdes pour plus de sécurité, c'est un faux argument. » Pour assurer sa pérennité, Total essaie de développer le biocarburant. Il s'agit de projets de petite envergure. Les grands projets ne commenceront pas avant 2025. « L'évolution se fera de manière graduelle. Ce sera une évolution et non une révolution », a soutenu Philippe Nélis, directeur de réseau. Une problématique mondiale Selon Klaus Töpfer, directeur exécutif du Programme des Nations unies pour l'environnement, le sort du développement durable se jouera dans les deux pays que sont la Chine et l'Inde (2,5 milliards d'habitants). « Dans nos pays, l'essence au plomb n'est plus utilisée, mais elle continue à être produite et envoyée dans les pays en développement. » Et « 79% de la pollution en Chine sont liés à la circulation automobile. » Les problématiques sont mondiales. Les pays en développement passeront de 700 millions de véhicules aujourd'hui à 2 milliards dans 30 ans. « Qui nous dit que ce ne seront pas les Chinois qui nous vendront des voitures propres et pas chères, qui appliqueront des solutions qui sont dans nos tiroirs », se demande Daniel Goeudevert. Les conférenciers ont insisté sur le changement de comportement du conducteur. « Les gens seront-ils prêts à payer plus pour se comporter de manière écologique ? Etre transportés ? La persuasion morale ne suffit pas. Il faut la carotte et le bâton », a préconisé Yves Berthelot, vice-président de la Fedre, attaché principal de recherche de l'Unitar. « Il s'agit d'intégrer, de former, d' éduquer », a-t-il appuyé. Des changements qui font partie de la pédagogie politique. Un cadre institutionnel approprié et un cadre budgétaire réglementaire sont également préconisés. L'aménagement du territoire doit intégrer le transport. La volonté d'apporter des solutions ne peut se faire qu'avec l'appui des politiques. Le rôle des autorités locales et régionales est particulièrement important en matière de choix de transport en commun, d'infrastructures, de technologies nouvelles, dans la sécurité routière. José Capel Ferrer, directeur de la division des transports (CEE-ONU), a soutenu que « pour bénéficier de la mondialisation, les pays en développement ont besoin d'avoir un bon système de transport ». Et d'ajouter : « L'utilisation du GPL, de l'électricité, des systèmes de propulsion à base d'hydrogène est encouragée. On essaie de mettre en œuvre des réglementations internationales. » D'aucuns ont affirmé que trop de prudence est observée dans la mise en œuvre des normes incitatives au développement et à l'utilisation de voitures propres. Les technologies doivent avoir un marché, est-il répondu.