Désormais, la culture a son «Davos» sous les contraintes imposées par une crise financière et économique qui a des effets certains et durables sur l'économie de la culture partout là où elle existe avec ses industries, ses artistes et artisans. Ouvert le 16 novembre dernier, le forum dédié à la culture qui s'est tenu dans la ville d'Avignon, a été rehaussé par la présence du Premier ministre français François Fillon. Cette première édition a regroupé plus de 250 personnes originaires de nombreux pays, à l'initiative du précédent ministre de la Culture, Donnedieu de Vabres. Mécènes, hommes de culture et grands industriels se sont penchés sur la crise actuelle et la culture. L'Aga Khan, des représentants de Google et Lagardère, le directeur de l'Opéra-Comique, des représentants de la banque Neuflize OBC, de la fondation Pinault et beaucoup d'autres ont parlé culture, médias et bien entendu d'argent. Les craintes, devant la crise, portent sur l'éventuelle baisse des aides publiques et privées aux productions culturelles, aux musées, aux fondations indépendantes des pouvoirs publics. La crise frappe partout et le forum a été une première riposte cohérente dans la mesure où tous les acteurs décideurs, à un titre ou un autre, ont été associés, y compris un spécialiste du CNRS qui analyse les politiques culturelles en estimant que, malgré la baisse drastique du pouvoir d'achat, les lieux culturels «ont battu des records de fréquentation». Bien entendu, il n'est nullement question de comparer des territoires culturels extrêmement éloignés l'un de l'autre. L'Algérie n'est pas un pays producteur de films et de productions audiovisuelles dans une économie de flux comme l'est la France. Celle-ci a beaucoup de théâtres subventionnés et privés qui donnent à voir partout et toute l'année. L'Algérie n'a pas les centres de formation dédiés aux danses et les structures adéquates au ballet à travers le territoire. La France a un grand nombre de monuments historiques et de musées qui attirent chaque année des millions de visiteurs nationaux et étrangers. Selon un rapport de l'ONU, Creative Economy 2008, la culture représente 3,4% du commerce international. Un pourcentage qui doit s'amplifier dans un proche futur avec un tiers qui sera dû au téléphone portable et à Internet. Il s'agit là de volumes, d'économies, d'investissements lourds privés/publics sur lesquels l'Algérie est trop loin, accumulant des déficits et des retards gigantesques. Les inquiétudes porteraient plutôt sur des questionnements basiques, de bon sens. Avec ou sans la crise, avant et après celle-ci, y a-t-il une réflexion, un plan détaillé secteur par secteur, des projections pour la formation et l'inclusion de la téléphonie mobile et Internet dans la consommation culturelle ? La révolution de la parabole a été intégrée par les Algériens qui regardent tout ce qui vient du monde. Le mobile et l'Internet finiront par définitivement achever le minuscule lien qui tient encore entre les citoyens et des bribes d'une culture nationale dévoyée par la religiosité encouragée, la censure et de nouveaux tabous. En Algérie, les choses tournent à l'identique, avec les mêmes, sans aucune vision d'avenir qui prendrait en charge les TIC, la réception satellitaire, Internet autour d'un vaste regroupement entre les secteurs privé et public, des chercheurs dans toutes les disciplines concernées, les financiers identifiés (élus locaux, ministères, fournisseurs de téléphonie et Internet, investisseurs éventuels privés nationaux et étrangers, etc.) A Avignon, le philosophe Lipovetsky déclarait : «Nous sommes en train de passer de la marchandisation de la culture à la culturalisation de la marchandise.» Les industries culturelles regardent aussi les sociologues, les philosophes, les analystes des flux mondiaux en période de crise tout autant que les décideurs politiques et les entreprises privées. Le rêve est non seulement permis mais en plus il échappe aux interdits. Alors chiche, un forum annuel dédié aux industries culturelles en Algérie ! A.B. Source : le Monde du 20 novembre 2008