Un film documentaire, portant sur la vie quotidienne de la femme kabyle et l'accouchement traditionnel en Kabylie, a été projeté récemment à l'université Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou. La projection de ce film intitulé « Pour que ses jours fleurissent » a eu lieu devant un public estudiantin relativement nombreux. Ce film du docteur Nicole Ferry a été suivi d'une conférence-débat avec la réalisatrice et le docteur Abrous, gynécologue et chef de service à la clinique Sbihi Tassadit de Tizi Ouzou. Cette manifestation scientifique a été organisée par la fondation Lounès Matoub en partenariat avec la faculté de médecine de l'UMMTO. Ayant auparavant exercé comme médecin dans la région de Boghni, la réalisatrice a constaté que les mères et grands-mères en Kabylie détiennent un savoir-faire précieux en matière d'obstétrique. Son film a montré le rôle important joué par la sage-femme traditionnelle (tamqabelt) lors des accouchements et l'intérêt des soins traditionnels que celle-ci prodiguait à l'accouchée (massage, diététique ...) au cours des premiers jours qui suivent l'accouchement. La réalisatrice a estimé que c'était grâce à ces soins traditionnels de prévention que la femme kabyle d'antan pouvait donner naissance à une dizaine d'enfants sans avoir de problèmes de bassin. Selon la conférencière, des études récentes ont mis la lumière sur les vertus de l'accouchement traditionnel (en position verticale) tant pour la mère que pour son enfant, et ce sur le plan à la fois médical et psychologique. Pour elle, les méthodes modernes ont montré leurs limites, d'où l'intérêt de préconiser le retour aux méthodes traditionnelles. Cependant, ces méthodes traditionnelles ne vont pas remplacer les méthodes médicales actuelles mais serviront plutôt à réadapter l'obstétrique moderne pour la rendre plus performante. L'intervenante a également souligné l'intérêt de certaines pratiques traditionnelles retrouvées en Kabylie telles que la mise en place d'une ceinture (aggus) à la parturiente juste après l'accouchement (ce qui permettra de maintenir le bassin en position de fermeture et d'éviter les hémorragies) et « l'emmaillotement » (tuttla), une bonne pratique qui procure au nouveau-né chaleur et sécurité. D'autre part, dans son intervention portant sur la médecine et l'accouchement traditionnel, docteur Abrous a noté que l'accouchement traditionnel est peu connu des médecins à cause des tabous qui entourent ce genre de questions mais aussi à cause de sa transmission par la tradition orale (inexistence d'écrits sur le sujet). En Algérie, l'accouchement tend à se médicaliser alors que l'Europe a tendance à redécouvrir l'accouchement naturel le moins médicalisé possible. Selon le gynécologue, le « retour » à l'accouchement traditionnel dans les maternités nécessite une autre approche de l'obstétrique. L'intervenant estime que les postures traditionnelles constituent une voie très intéressante à entrevoir car le retour aux artifices simples et ancestraux pourra aider les femmes à accoucher naturellement. Néanmoins, il a précisé que les accouchements traditionnels sont pourvoyeurs d'une mortalité infantile et maternelle importante et peuvent être émaillés de multiples complications, ce qui rend nécessaire la médicalisation et l'encadrement des accouchements. En somme, l'accouchement est un phénomène naturel qui peut être réalisé selon les méthodes traditionnelles mais seule la médecine est en mesure de prendre en charge les accouchements dans le cas des grossesses à risque.