Le thème de « la condition de la femme face à l'épreuve de la hiérarchie des sexes » adopté par les Débats d'El Watan de ce jeudi a drainé une assistance très nombreuse équitablement composée d'hommes et de femmes. Preuve encore une fois que la société algérienne est en avance sur ses dirigeants dans la quête de l'ouverture et qu'elle saisit avec force avidité les espaces d'expression et de débat. Devant cet échantillon large de la société algérienne, enluminé aux couleurs des générations, les invités d'El Watan ont bien voulu développer leur argumentaire sur la nécessité de continuer le combat pour le recouvrement du droit à la citoyenneté par la femme. La différence entre le sexe et le genre, quelle différence entre la liberté et l'égalité, qu'est-ce que l'identité sexuée, quel salut dans l'islam ou la laïcité, autant de questionnements qui ont émaillé le cours du débat suivant les brillants exposés donnés par les invités d'El Watan. Touchant du doigt la problématique du genre comme nouvelle définition anglo-saxonne du féminin, Wassila Tamzali estime que si l'évolution est notable sur le plan du genre à travers l'accession des femmes à des postes importants comme ministre, le progrès demeure précaire « puisque la racine du mal dans la hiérarchie des sexes existe encore. On peut être ministre, ce qui est une avancée au niveau du genre, mais lorsque cette femme ministre voudra se marier elle est obligée de demander le consentement de son fils », indique-t-elle. Quant à la différence entre l'égalité et la liberté en tant que revendications, la même conférencière souligne qu'il ne peut y avoir de dissociation. « On peut être égale de l'homme comme dans l'ex-bloc soviétique, mais pas libre, et on peut être libre comme en Occident, mais pas l'égale de l'homme », précise-t-elle en plaidant pour la quête de tous les droits. Et d'ajouter : « La domination des femmes est une base politique dans notre société. Le rôle des intellectuels est de prendre la mesure. Nous n'avons pas le pouvoir, mais nous essayons de développer une pensée féministe pour déranger le pouvoir », soutient l'ex-directrice à l'Unesco. Invitée à développer son idée sur l'Islam et la femme, cette dernière note que l'Islam est ce qu'on en fait. « L'islam, c'est le rendez-vous manqué des femmes avec l'histoire. L'homme a utilisé la religion pour légitimer la domination », dit-elle en plaidant pour un retour aux valeurs civilisationnelles des siècles des lumières. Fatma Oussedik estime, pour sa part, que la réalité montre que les femmes soutiennent les hommes pour produire du féminin. « C'est un processus contre elles-mêmes afin de continuer d'exister. Et les seules luttes possibles en dehors de la violence sont celles des luttes pour les droits. » La sociologue remarque avec désolation, en outre, que seules les féministes et les islamistes animent le débat sur la sécularisation en Algérie et sur ce que doivent être les fondements de l'Etat algérien. Dalila Djerbal relève, quant à elle, un hiatus entre la société et la représentation politique. « Personne n'est indemne de cette domination et sa reproduction », dira-t-elle en faisant montre que la liberté de la femme est aussi une liberté de la société. Boutheina Cheriet soutient, elle aussi, que le féminisme ne peut s'affirmer en dehors de la liberté politique. « Il y a une faillite du politique. Notre pays a été épuisé par les stratégies de pouvoir et les femmes comme les hommes font partie des cibles de cette politique. Il s'agit d'un combat que nous devons mener tous ensemble », conclura Mme Tamzali.