Le groupe Tonic emballage et ses ouvriers vivent une situation des plus dramatiques. Cet opérateur, qui a réussi à construire la deuxième usine de production de papier en Afrique, après celle de l'Afrique du Sud, risque plus que jamais de mettre la clé sous le paillasson et de voir ses 4000 ouvriers se retrouver au chômage. Pourtant, avec l'apport de Tonic, l'Algérie se donnait les moyens de rejoindre le cercle très restreint des grands fabricants mondiaux de papiers. Plus encore, il avait pour objectif de faire cesser l'importation du papier. Etrangement, ces derniers mois, un sérieux problème entrave le fonctionnement de ce complexe dont les parts de marché sont aujourd'hui convoitées par les grands groupes étrangers. Et pour cause : pour ses besoins en eau, Tonic devait avoir recours au dessalement de l'eau de mer. Pour cela, il a importé une usine neuve de dessalement d'eau de mer. Car tout le monde sait que l'industrie du papier a besoin de beaucoup d'eau. Après cela donc, Tonic s'était alors engagé dans la mise en place d'un grand réseau national de récupération des papiers et cartons d'une capacité de 220 000 t/an. Des coopératives de jeunes récupérateurs avaient commencé à se constituer. La collecte du vieux papier et des cartons récupérés est aujourd'hui une industrie majeure, en croissance permanente, et le commerce de ce papier est devenu une activité mondiale avec des flux intercontinents insoupçonnables. Le papier carton est le matériau vert du futur. Il arrive à concilier l'écologie et l'économie. Le potentiel d'emplois directs permanents prévus à la suite du démarrage de cette nouvelle usine de papier était estimé à 10 000 travailleurs. Selon un des responsables de Tonic, il est prévu que la station de traitement des eaux usées du complexe soit opérationnelle dans peu de temps. Malgré les sommes investies, ce projet risque toutefois de ne pas voir le jour. Si l'affaire dite Tonic a eu pour effet d'affaiblir considérablement le groupe (chute vertigineuse du chiffre d'affaires, arrêt de l'approvisionnement en matières premières et en pièces de rechange pour l'entretien des machines, des engins et des véhicules, arrêt de la production au niveau des unités, augmentation des charges sociales et fiscales), la non-réalisation de ce projet de station risque d'avoir raison définitivement de Tonic. Un groupe qui n'hésite pas à rendre la bureaucratie responsable de ses malheurs. C'est de cette manière en effet que l'on explique le problème rencontré dans la réalisation des traversées sous routes. Ces accusations sont cependant rejetées en bloc par le directeur des travaux publics (DTP) de la wilaya de Tipaza. Des garanties suffisantes Celui-ci explique, pour sa part, le retard accusé dans le démarrage des travaux par le manque de certaines pièces administratives dans le dossier présenté par la direction de Tonic. « J'ai consulté le dossier et je l'ai transmis à ma hiérarchie. Ceci dit, je ne délivrerai l'autorisation que lorsque Tonic me fournira le permis de construire de la station de dessalement d'eau de mer », a-t-il dit. Il est à rappeler toutefois que la DTP de la wilaya de Tipaza avait déjà délivré pour Tonic, le 18 février et le 13 mars 2007, des autorisations de travaux afin que celui-ci puisse poser les canalisations en traversant respectivement les RN11 et 69 et le CW126. L'on ajoute que l'opérateur privé avait payé la caution pour effectuer les travaux. Tonic n'a pas pu exploiter les autorisations signées par la DTP de Tipaza dans les délais en raison de l'opposition des usufruitiers des EAC sur lesquelles débouchent ces traversées. Le représentant de Tonic affirme, par ailleurs, que le dossier de permis de construire avait déjà été déposé. « Nous voulons gagner du temps en posant les canalisations sous la route, en attendant la réception du permis de construire, déclare le conseiller juridique de Tonic, car la DTP de Tipaza nous avait déjà fourni les autorisations sans nous avoir demandé le permis de construire, l'année passée. D'où nos inquiétudes », conclut-il. Devant cette situation de statu quo, Tonic ne sait plus à quel saint se vouer, alors que la suppression de près de 4000 emplois est imminente. Pourtant, il suffirait de peu de chose, affirment des connaisseurs, pour que ce groupe puisse à nouveau s'imposer. Pour preuve, les expertises judiciaires effectuées dans le cadre de l'affaire Tonic mettent toutes en évidence les garanties présentées par cette entreprise qui, par ailleurs, sont des sûretés légales et suffisantes, car la valeur globale de l'investissement et des biens dépasse le montant des crédits contractés auprès de la banque publique BADR. Et c'est ainsi que de nombreux observateurs de la sphère économique estiment que seule la relance de la production après la réalisation de la station de dessalement de l'eau de mer d'une capacité de 5000 m3/j et la finalisation des projets déjà réalisés constituent la solution appropriée qui permet à Tonic de rembourser ses dettes, tout en préservant l'ensemble de ses employés. En attendant que la situation se débloque, Tonic a mobilisé tous les camions-citernes pour approvisionner ses usines en eau. C'est une solution insignifiante, provisoire, mais très coûteuse pour Tonic. Aussi, tout le monde conviendra que ce n'est pas de cette manière qu'un groupe national peut s'imposer sur l'échiquier économique régional.