Un officier de la sûreté de wilaya de Constantine et deux policiers ont été inculpés il y a une semaine pour torture à l'aide d'un pistolet à décharge électrique, a-t-on appris de source judiciaire. L'officier a été placé sous contrôle judiciaire, alors que les deux agents ont été mis sous mandat de dépôt par le magistrat instructeur. En plus de son caractère rarissime, cette affaire vient confirmer les craintes des ONG algériennes des droits de l'homme quant aux graves séquelles physiques et morales que provoquent les pistolets électriques, dits Taser, en référence au nom du principal fabricant de cette arme faite pour « maîtriser une personne dangereuse avec un faible risque de provoquer sa mort ». Selon nos interlocuteurs, le scandale a commencé, il y a plus d'un mois, lorsque les policiers, agissant sur informations faisant état de la détention, par un citoyen âgé de 27 ans, d'un fusil de chasse à canon scié, ont procédé à son arrestation. Lors de la perquisition dans son domicile familial, seul un fusil de chasse, appartenant légalement à son père, a été retrouvé. Il sera remis en liberté après plus de quatre heures de détention durant lesquelles il dit avoir subi « des tortures » à l'aide d'un pistolet Taser. Les policiers lui demandent de revenir le lendemain pour la signature du procès-verbal d'audition et, par la même occasion, passer chez le médecin du secteur sanitaire qui lui délivre un certificat attestant sa « bonne santé ». Des craintes légitimes Le mis en cause ne supportant pas « les agissements » des policiers se plaint à un de ses proches, dont notamment un militaire qui exerce au ministère de la Défense. Encouragé par ce dernier, il dépose plainte auprès de l'inspection générale de la Sûreté nationale. Le médecin légiste, vers lequel il a été orienté, l'examine et constate des « traces de brûlures dues à des décharges électriques ». Un mois plus tard, un autre certificat médical, établi par un deuxième médecin légiste, confirme les mêmes traces. Les présumés auteurs sont maintenus en garde à vue, pendant 22 jours, puis déférés au parquet de Constantine il y a une dizaine de jours. Deux policiers sont placés sous mandat de dépôt, alors que l'officier de permanence est gardé sous contrôle judiciaire. Cette affaire a fait couler beaucoup d'encre. Les craintes exprimées, il y a une année, par maître Boudjemaâ Ghechir, président de la Ligue des droits de l'homme (LADH), relatives aux graves séquelles que peuvent engendrer les pistolets Taser sur les personnes, s'avèrent légitimes. « Une formation pour les policiers » La sortie de maître Ghechir, rappelons-le, est intervenue après l'attribution officielle par la direction générale de la Sûreté nationale (DGSN), à la société française SMP Technologies Taser, d'un marché pour l'acquisition de 1000 pistolets électriques, en sus de 30 000 cartouches, dont 10 000 à usage d'entraînement. D'un montant de plus de 2 millions d'euros, ce marché, avaient expliqué à l'époque les responsables de la DGSN, devait permettre aux policiers de se doter « d'une arme dissuasive ». Le Taser a été expérimenté pour la première fois en Algérie, vers la fin 2006, pour qu'en 2007, la commande de 1000 pièces soit engagée auprès de la firme française. maître Ghechir a estimé que « certaines armes font mal au même titre que les armes à feu », et à ce titre, il a exhorté les responsables de la DGSN à une plus grande vigilance en disant : « Il faut dispenser une formation très avancée aux policiers et procéder à des études par des spécialistes afin de préciser les effets néfastes du matériel sur le corps humain. » L'avocat a rappelé les nombreuses campagnes de dénonciation menées au niveau international contre les risques de ces armes, à savoir « la fibrillation ventriculaire, aggravation de l'arythmie cardiaque et la tétanie atteignant les muscles thoraciques ». En 2007, le comité contre la torture de l'ONU a mené lui aussi une autre campagne en déclarant que « l'usage de Taser provoque une douleur aiguë, constituant une forme de torture, et que dans certains cas, il peut même causer la mort ».