Jeudi soir, le public de la salle Ibn Zeydoun a pris une correspondance cursive à destination d'El Bahia. Un voyage initiatique dont la première escale a été observée à Alger, après celle bordelaise. Une continuation culturelle, artistique, littéraire, historique et créatrice - placée sous le signe de l'amitié et de la fraternité algéro-françaises - offerte par le saxophononiste français connu et reconnu et ses comparses de scène en présentant une performance de très bonne facture rendant hommage à Oran et l'Algérie, à travers la littérature algérienne, la musique et, par conséquent, à l'interculturalité arabe ou encore panarabe. Et justement intitulée Oran, correspondances retrouvées. ll s'agit d'un spectacle dont l'idée avait germé à la fin de l'année 2003 à l'issue du jumelage de Bordeaux et d'Oran, ville natale de Jean-Marc Queseda. Un projet s'appuyant sur des textes d'œuvres de la grande romancière algérienne Assia Djebbar et galvanisée de par un habillage mélomane très fin, sobre et beau. Pour ce faire, un décor intimiste, un arrière-plan montrant des cartes postales d'Oran grandeur nature datant du début du siècle dernier, un rond de lumière et un quatuor. L'excellent saxophoniste, pédagogue et instrumentiste Jean-Jacques Queseda ayant officié auprès de Steve Lacy, David Lebman et Gnawas du Maroc au festival de Essaouira, l'actrice Eléonore Briganti, la « Carmen et diseuse de textes de bonnes aventures », s'étant illustrée par des rôles sous la direction du metteur en scène Olivier Py faisant dans le théâtre contemporain( La servante, L'Apocalypse joyeuse) ou encore incarnant des personnages de Goldini et Shakespeare, Adel Shams Eddine, percussionniste égyptien de renom et cheville ouvrière de l'ensemble Al Kindi, et Sofiane Negra, luthiste tunisien amoureux de musique arabo-andalouse et ayant donné du tournis aux derviches tourneurs syriens. Cependant, le cinquième élément, voire l'instrument, sera la voix, l'organe d'Eléonore Briganti comme elle aime à le souligner. Eléonore posera son phrasé à la charge émotionnelle sur les mots bleus d'un azur insulaire (oranais et bordelais) sonnants, trébuchants les tranches de vie autobiographiques, de bonnes feuilles mnémoniques et autres échanges épistolaires relatant l'exil, la mémoire collective et la résistance du peuple algérien. « Je m'identifie souvent au personnage d'Assia Djebbar. Je suis en adéquation avec elle... », confiera-t-elle. Des mots, des tirades, des sentences, des souvenirs, des annonces classées, des bafouilles et des missives sous forme d'inventaire à la Prévert révélant Oran et le Moyen-Orient, ponctués de solos oniriques, aériens, élégants et surtout jazzy du maestro Jean-Jacques Quesada, les roulements de derbouka et tambourin aussi chaloupés que nostalgiques d'Oum Edounia et par le Oûd (luth) de Sofiane Negra à la caisse de résonnance et consonnance d'un réel talent. A propos d'Oran, correspondances retrouvées, Jean-Jacques Quesada expliquera : « J'ai quitté Oran à l'âge d'un an. Mais je reste pronfondément attaché à l'Algérie et au Moyen-Orient. Ce qui fait avancer les choses cest l'interculturalité... ». Théâtre régional d'Oran Abdelkader Alloula Demain soir à 19h Spectale Oran, correspondances retrouvées