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La longue marche pour les libertés
Du Printemps berbère au printemps noir
Publié dans El Watan le 20 - 04 - 2008

Trois décennies de combats, de larmes et de sang pour tamazight. Les acquis sont jugés satisfaisants, mais les revendications restent posées.
La constitutionnalisation de tamazight, le 8 avril 2002, n'a pas pour autant garanti le droit à l'instruction et à l'information dans cette langue. Dans le système éducatif et dans les médias, la langue amazighe attend une meilleure considération. Les acteurs traditionnels, porteurs de la revendication (Mouvement culturel berbère), les archs, les associations et les fédérations culturelles ont baissé les bras alors que les autres organisations sont laminées. Cela se passe au moment où le pouvoir ne manifeste pas une réelle volonté politique pour la prise en charge de ce patrimoine linguistique et culturel national. L'enseignement se fait de manière aléatoire. M. Boudinar, président de l'association des enseignants de tamazight, affirme : « Réellement, tamazight est enseignée dans trois wilayas : Bouira, Béjaïa et Tizi Ouzou. Elle se fait de manière partielle à Alger, Tamanrasset, Khenchela et Batna. Sa généralisation est freinée par l'inertie du ministère de tutelle qui refuse d'ouvrir des postes budgétaires. » Concernant la transcription de la langue, dont certaines voix ont demandé qu'elle soit faite en caractères arabes, notre interlocuteur affirme : « Pour nous et les apprenants, elle est tranchée : c'est en latin. Tout le monde l'a adoptée. » Pour des linguistes, les tentatives d'imposer l'utilisation des caractères arabes viseraient un compromis : opter pour le tifinagh, comme au Maroc. Une manière, pensent-ils, de freiner le développement de tamazight. L'introduction de tamazight dans l'audiovisuel demeure une revendication toujours insatisfaite. Depuis l'introduction en 1996 d'un journal télévisé dans les programmes de l'ENTV, aucune avancée notable n'est enregistrée. Les locuteurs berbérophones attendent encore leur chaîne. Pourtant, le projet d'une télévision en tamazight a été annoncé il y a trois ans et n'a pas encore vu le jour. Saïd Lamrani, ancien journaliste de la radio Chaîne II, chef du projet, nous a répété mercredi dernier ce qu'il a toujours déclaré : « Officiellement, aucune date n'est retenue pour le début des émissions. Mais même si elle est déjà fixée, je laisserai le soin à qui de droit de l'annoncer. » Tout le monde attend le feu vert qui viendrait de « haut lieu ». Mais la feuille de route est fixée : ce serait une chaîne généraliste satellitaire qui diffusera des programmes en cinq variantes de tamazight (le chaoui, le chenoui, le mozabite, le kabyle et le targui). Cinq bulletins d'information seraient diffusés dans ses variantes linguistiques durant les six heures de diffusion fixées (de 15h45 à 22h05). Une chose est à présent certaine : une entreprise privée de communication a arraché le marché de près de 1000 heures de doublage de films comme Les vacances de l'inspecteur Tahar, Les portes du silence et des feuilletons comme El Bedra ou Fatma n'Soumeur. Le chemin pour l'entière satisfaction de la revendication, notamment l'officialisation, paraît encore long. Et les animateurs « historiques » qui ont fait le MCB semblent préférer se retirer de la scène publique. Arezki Abbout, détenu de 1980 et militant connu de la cause amazighe, déclare : « Il y a eu des acquis et des reculs. L'histoire n'est pas linéaire. J'estime qu'il y a une erreur car on a confié deux missions à une seule génération. Pour moi, le MCB a fini sa mission historique. Notre génération ne peut plus continuer ce combat. Personnellement, j'ai fini d'écrire mes mémoires. Je donne ma dernière conférence publique cette semaine à Yattafen. » Pour Saïd Khellil, militant de la première heure, il faudrait réhabiliter le politique, « car ce que nous demandons au pouvoir nous ne le faisons pas nous-mêmes dans nos organisations. Dans la pratique, il faut être démocrate. Je pense que le danger est d'alimenter cette propension à discréditer l'action politique. Je pense que notre devoir est de répondre aux sollicitations d'associations culturelles. Nous devons continuer à transmettre nos expériences et nos échecs à ceux qui voudraient prendre le flambeau ».

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