Tamazight, parlons-en. Et on ne s'en est pas privé avec notre invité. La question qu'on a posée à Belaïd Abrika est la suivante: «Peut-on considérer comme un acquis la constitutionnalisation de tamazight en tant que langue nationale?». Le délégué du mouvement citoyen considère que tamazight est une langue nationale de fait, puisqu'elle est parlée par des nationaux aux quatre coins du pays, au même titre que la langue arabe. Sa constitutionnalisation n'apporte aucun élément nouveau et ne lui donne pas les moyens de sa promotion. «Pour parler d'acquis, précise notre interlocuteur, il faut d'abord remonter des décennies en arrière, soit aux sacrifices consentis par des dizaines de militants. Nous rendons hommage au travail magnifique réalisé par l'académie berbère, notamment Bessaoud Mohand Arab, Haroun Mohamed, Mouloud Mammeri, qui ont su faire face à la dictature de Ben Bella, Boumediène, Chadli.» La longue lutte pour la reconnaissance de tamzight a eu ses chantres et ses martyrs, comme Matoub Lounès, qui a été lâchement assassiné. Plutôt que de parler d'acquis, il faut plutôt insister sur le retard à reconnaître cette langue depuis l'indépendance, sur la répression qu'ont connue ses militants, alors qu'elle est le cordon ombilical qui lie tous les Algériens et tous les nord-africains, à côté de la langue arabe. «Nous ne renions pas la langue arabe, tient à affirmer Belaïd Abrika, nous nous contentons de réclamer la reconnaissance de tamazight en tant que langue nationale et officielle, seule possibilité de pouvoir mettre en oeuvre les moyens de sa promotion». Ces remarques de Belaïd Abrika ont l'avantage de la clarté et nous rappelle que l'une des revendications de la plate-forme d'El-Kseur porte justement sur la reconnaissance constitutionnelle de tamazight en tant que langue nationale et officielle. On a bien vu, en effet, que malgré l'introduction de tamazight dans le système éducatif et sa reconnaissance au parlement en tant que langue officielle, elle reste marginalisée et réprimée, notamment de la part des médias lourds. Voilà donc qui mettra un bémol au triomphalisme de tous ceux qui mettent en avant la constitutionnalisation de tamazight en tant que langue nationale et qui estiment que les choses doivent s'arrêter là. Au contraire, c'est maintenant que les choses sérieuses commencent. La manoeuvre du pouvoir est claire comme de l'eau de roche, il s'agit pour lui de reprendre d'une main ce qu'il a donné de l'autre. En d'autres termes, c'est l'inertie qui prévaut. On freine des quatre fers pour empêcher toute promotion et tout développement de cette langue. Par conséquent, la lutte continue.