Les Américains veulent un appui diplomatique arabe. Des sous, même si c'est un comble pour un pays immensément riche grâce à ses réserves de pétrole, et un appui diplomatique arabe, voilà en quoi consiste la réunion la troisième du genre depuis mai dernier des voisins de l'Irak tenue hier dans l'Emirat voisin du Koweït. C'est le Premier ministre irakien Nouri Al Maliki qui en a dévoilé le contenu en exhortant les pays voisins du sien à aider à stabiliser son pays en tenant leurs promesses d'annulation de sa dette et de réouverture de leurs ambassades à Baghdad. « Le montant de la dette et les dédommagements que l'Irak paie causent un grave préjudice à nos infrastructures et notre économie nationale », a déclaré M. Maliki. « Nous attendons toujours que les engagements et promesses de renoncer aux créances et aux dédommagements soient tenus », a ajouté M. Maliki qui dirige la délégation de son pays. Il faisait allusion aux dédommagements que l'Irak doit payer pour l'invasion du Koweït en 1990 par le régime de Saddam Hussein. Mais dans le même temps, une telle thématique pose problème quand elle est soulevée par l'administration américaine qui met, en ce qui la concerne, le danger iranien en avant, une vision très contestée y compris dans les cercles politiques aux Etats-Unis. C'est dans ce contexte que s'inscrit la démarche de la secrétaire d'Etat Condoleezza Rice qui a tenté, en vain, de convaincre les alliés arabes des Etats-Unis de soutenir le gouvernement irakien dominé par les chiites. Mme Rice a précisé que les discussions avaient porté sur l'allégement de la dette irakienne et l'ouverture d'ambassades arabes à Baghdad. Mais elle n'a annoncé aucune percée sur ces deux domaines jugés cruciaux pour la stabilisation de l'Irak par Washington qui voit dans une mobilisation arabe plus forte dans ce pays un contrepoids efficace à l'influence de l'Iran. « Je crois que c'est un processus qui va avancer », a déclaré Mme Rice après sa rencontre avec ses homologues arabes au lendemain d'une visite surprise à Baghdad. « Certains pays autour de la table ont évoqué leur désir d'avoir des représentants permanents », en Irak, a-t-elle affirmé. Les termes d'un allégement de la dette (irakienne) sont connus depuis longtemps. Selon un responsable américain voyageant avec Mme Rice, les pays arabes n'ont pris « aucun engagement formel » pour l'envoi d'ambassadeurs à Baghdad, ajoutant toutefois qu'ils avaient montré de « meilleures dispositions ». De son côté, le chef de la diplomatie bahreïnie Khaled Ben Ahmad Al Khalifa, lors d'une conférence de presse avec Mme Rice avant son départ de Manama, a affirmé que les responsables arabes avaient des questions au sujet de « l'ambiguïté » de la situation en Irak, mais qu'ils avaient reçu de « très bonnes explications » de Mme Rice et du chef de la diplomatie irakienne Hoshyar Zebari. Depuis l'invasion américaine en 2003, qui a renversé le régime de Saddam Hussein, les voisins arabes de l'Irak s'inquiètent de l'insécurité dans ce pays et hésitent à soutenir un gouvernement dominé par les chiites. Mme Rice avait déjà appelé les pays arabes à faire face à « leurs obligations », les pressant de rouvrir leurs ambassades à Baghdad et d'effacer une partie de la dette irakienne. Dimanche, le Koweït a annoncé sa décision d'envoyer un ambassadeur à Baghdad, alors que la Ligue arabe a aussi signalé qu'elle nommerait un chef pour sa mission diplomatique à Baghdad. Mais l'Irak, c'est bien plus complexe avec toutes ses guerres, la plus connue étant celle que l'armée du Mehdi de l'imam Moqtada Sadr mène contre le gouvernement de Nouri Maliki et l'armée américaine. Une guerre sourde oppose par ailleurs l'autorité centrale aux Kurdes à propos justement du pétrole. A ce sujet, le gouvernement irakien mène des discussions avec le gouvernement kurde d'Irak sur des contrats signés par cette région autonome avec des compagnies pétrolières étrangères, dont Baghdad conteste la validité, déclarant même qu'il empêcherait l'application de ces contrats. En réaction, le Premier ministre kurde Nechirvan Barzani a affirmé que les contrats seraient mis en œuvre. Le même mois, les autorités du Kurdistan irakien ont approuvé la signature de sept nouveaux contrats pétroliers. Au total, quinze blocs ont été attribués à ce jour par le gouvernement kurde depuis l'adoption en août 2007 par la région d'une loi sur le pétrole et le gaz. Une vingtaine de compagnies étrangères opèrent désormais au Kurdistan. Le danger, comme on peut le constater, est multiple et se trouve partout. La persuasion a atteint ses limites.