« On ne commence pas un effort de ce type sans espoir », a souligné le Premier ministre turc. La Turquie, liée depuis 1996 à Israël par un accord stratégique, va-t-elle servir de médiateur dans l'épais dossier du Proche-Orient ? La question est dans l'air depuis au moins une décennie, mais il n'était apparemment question que d'opportunité et de temps. Depuis cette date, beaucoup de temps a été perdu, mais en termes d'opportunité, il est difficile de dire que l'opportunité est réelle après le bombardement israélien du territoire syrien en septembre dernier, et puis ces accusations américaines selon lesquelles la Syrie s'apprêtait à se lancer dans le nucléaire. Des questions qui n'ont pas convaincu grand monde, sauf qu'il y a eu le précédent irakien pour signifier que quelque chose pourrait se préparer contre la Syrie. Et un tel risque, sans dire qu'il a disparu, a été au moins atténué, samedi dernier, par la visite de quelques heures en Syrie du Premier ministre turc. Celle-ci signifie tout d'abord qu'il n'y a plus le moindre nuage entre les deux pays, après les menaces turques contre la Syrie, accusée du temps où ses troupes étaient présentes au Liban, au moins d'aider à l'entraînement des rebelles kurdes du PKK. Ensuite que la question du partage des eaux de l'Euphrate a été réglée et enfin pour ce que cela implique, il y a le message dénué d'ambiguïté du Premier ministre turc au chef de l'Etat syrien, évoquant un retrait israélien du plateau syrien du Golan. Et une telle offre semblait prendre, hier, de la consistance avec la déclaration de l'ambassadeur d'Israël en Turquie, évoquant les possibles étapes de négociations de paix qui pourraient s'ouvrir entre Israël et la Syrie par l'entremise de la Turquie. La radio militaire et le quotidien Maariv ont, pour leur part, évoqué, un possible sommet entre le Premier ministre, Ehud Olmert, et le président syrien, Bachar al Assad, à l'issue des contacts évoqués par le diplomate. La rencontre publique au plus haut niveau entre dirigeants israéliens et syriens a eu lieu le 3 janvier 2000 entre le Premier ministre israélien, Ehud Barak, et le ministre syrien des Affaires étrangères, Farouk Al Chareh, à Sheperstown en Virginie (Etats-Unis) sous les auspices du président américain, Bill Clinton. « Je ne peux pas donner de détails sur le processus engagé avec les Syriens actuellement », a ajouté le diplomate qui a également souligné l'importance de la médiation turque. « Les Turcs veulent vraiment être impliqués dans un processus. Ils nous ont déjà aidés à de nombreuses reprises dans le passé. Ils ont une influence dans l'espace musulman et régional, ils peuvent aider, mais il ne peuvent pas prendre la direction d'un processus. » « Les Turcs comprennent que seule une puissance, comme les Etats-Unis ou seul un bloc comme l'Union européenne, dispose des capacités économiques pour soutenir ce genre de processus, mais ils pensent qu'en raison de leur statut particulier, ils peuvent apporter leur contribution », a ajouté l'ambassadeur. Les négociations entre Israël et la Syrie, parrainées par Washington, ont été interrompues en 2000, après avoir achoppé sur la question du Golan, dont la Syrie réclame la restitution totale jusqu'aux rives du lac de Tibériade, principale réserve d'eau douce d'Israël. La visite d'une journée du chef du gouvernement turc à Damas est intervenue après que le président Assad eut révélé l'existence depuis l'an dernier de la médiation turque. M. Assad a affirmé avoir été informé par la Turquie qu'Israël était prêt à se retirer du Golan en échange de la paix avec la Syrie. Israël et la Syrie sont formellement en état de guerre depuis 1948, mais ont signé des accords d'armistice ou de cessez-le-feu. Interrogé pour savoir s'il espérait un résultat concret, le Premier ministre turc a répondu : « On ne commence pas un effort de ce type sans espoir. » M. Assad a affirmé avoir été informé par la Turquie de la disposition d'Israël à se retirer du Golan en échange de la paix avec la Syrie. Avant de gagner la Syrie, M. Erdogan avait souligné que l'amélioration des relations d'Ankara avec les pays de la région avait permis à la Turquie d'intensifier ses efforts pour y favoriser des pourparlers de paix. Quant au président syrien, il a exclu l'engagement de négociations secrètes avec l'Etat hébreu. « Ce dont nous avons maintenant besoin c'est de trouver un terrain d'entente à travers le médiateur turc », avait dit M. Assad. « Nous discuterons en premier lieu du recouvrement de la terre afin d'établir la crédibilité d'Israël, car nous devons être prudents et précis dans nos négociations sur cette question », avait ajouté M. Assad. Cela rappelle une autre époque, celle de la politique des petits pas des années soixante-dix, tandis que la prudence syrienne sans être excessive s'explique par les reniements israéliens.