La démocratie participative peut-elle pallier la faillite du régime représentatif du Parlement ? Les experts et les politiques, présents hier et avant-hier à l'hôtel El Aurassi à Alger, lors du séminaire sur « Le parlement, la société civile, la démocratie », organisé par le ministère des Relations avec le Parlement, semblent croire à cette thèse. Il y a d'abord cette reconnaissance implicite que l'abstention aux élections législatives a eu des retombées sur la légitimité de l'actuelle assemblée. Le débat ne s'est pas étalé sur les raisons du refus massif, exprimé en 2007 lors des législatives et des locales, de participer au vote. Seule Louisa Hanoune, du Parti des travailleurs, a dit qu'il fallait essayer de comprendre les raisons de cette abstention. Abdelaziz Belkhadem, chef du gouvernement, ne l'a pas fait. Citant l'exemple des Etats-Unis et de l'Union européenne (UE), il a parlé de « crise » liée au Parlement, dont « les symptômes se sont manifestés par une abstention massive au vote ». « Le taux de participation a rarement dépassé le seuil des 40%, en sus d'un désintéressement populaire vis-à-vis des affaires publiques », a constaté Belkhadem qui a même essayé de comprendre « les causes » de l'abstention : prédominance de la technocratie dans l'élaboration des lois, affaiblissement et dégradation de la relation électeurs-élus, pouvant résulter « des normes de candidatures qui privent le citoyen de choisir véritablement ses représentants ». Le FLN, dont Abdelaziz Belkhadem est le premier responsable, a connu une véritable guerre de candidatures avant les législatives de 2007. Cela a-t-il influencé l'électorat ? Pas d'explication du chef de l'Exécutif. Exécutif qui est l'expression de « la technocratie » en Algérie. Pays où les lois sont de l'initiative unique du gouvernement. Situation qui ne choque pas Lamine Cheriet, sénateur et enseignant à l'université de Constantine, qui a évoqué l'exemple du Parlement britannique qui ne propose que « 5% des lois au Royaume-Uni ». Le 0% à l'APN n'a pas de quoi inquiéter donc ! Les députés disent qu'ils prennent l'initiative de proposer des lois mais les propositions sont bloquées par le bureau de l'APN. Saïd Mokadem, coordinateur du séminaire, a accusé la technocratie d'étouffer « la démocratie parlementaire ». Lui, comme d'autres intervenants, n'ont donné aucune explication convaincante sur les raisons réelles qui empêchent l'APN d'user de ses prérogatives. Aucun cadre de dialogue La chambre basse du Parlement ne serait-elle donc qu'une chambre d'enregistrement de choix faits ailleurs, comme l'a suggéré un expert ? Ce n'était visiblement pas le propos du séminaire. On s'accordait à établir des constats – connus – sans chercher à comprendre le pourquoi du comment. Et puis on s'est étalé sur « le rôle de la société civile ». « La société civile jouit d'une grande capacité à encadrer différentes composantes de la société, qu'on ne retrouve peut-être pas dans les cadres traditionnels, tels les partis politiques », a dit Abdelaziz Belkhadem, relançant ainsi la réactivation de l'ancien schéma de substitution des partis par le mouvement associatif. Ce n'est pas par hasard qu'en Algérie, on n'accorde plus d'agrément aux nouveaux partis depuis 1999. Les partis présents sont, eux, sabotés par des coups d'Etat ponctuels, selon les conjonctures politiques . Pour surmonter la crise de représentativité, Lamine Cheriet a proposé de trouver des formes d'une alliance entre « démocratie parlementaire » et « société civile ». « Mais, la société civile, c'est quoi ? », s'est interrogé un intervenant. S'agit-il des associations ? Des ex-organisations de masse comme l'UGTA ? Ou de ce conglomérat de structures liées à ce qui est appelé « la famille révolutionnaire » ? Pas de réponse. Comme a été ignorée la question essentielle de l'autonomie concrète de la société civile mais aussi de la crédibilité. « Il faut que les citoyens soient associés à tous les débats qui concernent la vie de tous les jours et qu'ils participent à l'élaboration des lois », a proposé Lamine Cheriet. Abdelhak Mekki, politologue, y est favorable mais il a relevé que cette participation ne sera réelle qu'en présence d'un véritable débat. « La démocratie participative est la possibilité offerte aux gens de réagir et d'exprimer des opinions qui peuvent être contraires à ceux du Parlement ou du gouvernement », a-t-il dit. Seulement voilà, « il n'existe aucun cadre de concertation avec les pouvoirs publics tant au niveau local que national », a protesté une intervenante représentant des personnes à mobilité réduite. Alors quelle est la teneur de « la démocratie participative », cette création des multinationales américaines, redevenue à la mode en Algérie ? L'idée n'est pas nouvelle. Elle a été mise en avant à l'époque du gouvernement Ali Benflis avant d'être abandonnée par les Exécutifs menés par Ahmed Ouyahia et Abdelaziz Belkhadem. Nourredine Zerhouni, ministre de l'Intérieur, a relancé le concept après les élections locales de 2007. Mis à part « la relance », il n'existe aucun contenu concret à cette démarche politique. Le séminaire de ces deux derniers jours n'a fait que tracer les grandes lignes... théoriques.