Le journaliste algérien continue d'évoluer dans un environnement politique et législatif des plus contradictoires. Les acquis minimes de la corporation des journalistes, obtenus après des années de sacrifices, sont anéantis par l'arsenal juridique qui pèse encore comme une épée de Damoclès sur la tête des professionnels de la presse. Ce constat amer a été rappelé par les participants à la rencontre-débat sur la liberté de la presse, organisée hier à Alger par la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'homme (LADDH). Une rencontre organisée sous le thème « La liberté d'expression mère de toutes les libertés ». La situation est dramatique. En matière de l'accès aux sources d'information et de la dépénalisation des délits de presse, l'Algérie demeure toujours à la traîne. « Ce que donne le législateur d'une main, il le retire de l'autre », déclare le président de la LADDH, Mustapha Bouchachi, pour résumer la confusion des textes législatifs régissant le secteur de la presse. Les correspondants de presse souffrent à huis clos Alors que la Constitution, explique-t-il, garantit la liberté d'expression, la loi sur l'information (1990) et le code pénal (2001) dénient ce droit et mettent le journaliste « sous haute pression ». « Le législateur algérien ne définit même pas les hautes autorités, la politique étrangère et le secret militaire que le journaliste ne doit pas toucher dans l'exercice de sa profession », indique M. Bouchachi. Outre ces contraintes, l'orateur met en exergue aussi les relations entre les journalistes et les juges. « Le justice ne protège jamais le journaliste », lance-t-il, en précisant que même les textes élaborés par le législateur ne sont pas respectés par le pouvoir et son administration. Enchaînant, le président de la LADDH affirme aussi que le champ des libertés « s'est rétréci davantage ». « Durant les quinze dernières années, des dizaines d'entreprises de presse ont été fermées par décision politique qui ne repose sur aucun argument juridique », déplore-t-il. D'autres formes de pression telles que la manne publicitaire sont, souligne-t-il, exploitées pour maintenir la presse sous le joug du pouvoir. Présentant une communication sous le thème « Droits de l'homme et liberté de la presse », Ali Yahia Abdennour, président d'honneur de la LADDH, abonde dans le même sens. « Pour résoudre les problèmes économiques, sociaux et politiques, il faut une information complète. Or, en Algérie, on a obtenu l'indépendance et non les libertés », réaffirme-t-il. Pour Ali Yahia Abdennour, les dirigeants ont toujours confondu l'Etat, la nation et la société. Ce qui est, selon lui, une erreur fondamentale. « La liberté de la presse est celle des individus et non de l'Etat », explique-t-il, en précisant que la liberté de la presse et le droit à l'expression sont indissociables. Ali Yahia Abdennour dénonce également la fermeture des médias lourds (télévision et radio). Pour Mahmoud Belhimeur, journaliste à El Khabar, l'Algérie poursuit toujours sa politique consistant à précariser davantage la presse. La profusion des titres de presse présentée par les autorités « comme une ouverture » vise, estime-t-il, à polluer davantage le paysage médiatique. Les correspondants de presse, selon Hafnaoui Ghoul et Hassan Bouras, journalistes respectivement à Djelfa et El Bayadh, sont exposés à toutes les formes de répression. « Ils sont à la merci des responsables locaux qui ne permettent aucune critique et aucune expression libre », déclarent les deux correspondants qui ont vécu des expériences amères.