Une fois les défaillances corrigées et les défis relevés, le citoyen pourra alors espérer être informé avec plus ou moins d'objectivité. Acquis et défaillances. Réalisations et défis. Victoires et faiblesses. Ces quelques termes témoignent de l'état dans lequel se trouve la presse algérienne depuis le pluralisme en 1989. Après une vingtaine d'années d'existence, la presse «privée», appelée un moment «presse indépendante», est confrontée aujourd'hui à plusieurs obstacles. Il s'agit aussi bien des obstacles imposés par le pouvoir que ceux imposés par les acteurs de la corporation. Quel état des lieux peut-on faire de la liberté de la presse en Algérie à l'occasion de la Journée mondiale de la liberté d'expression et de la presse célébrée le 3 mai de chaque année? Il ne s'agit pas d'établir un bilan, mais plutôt d'avoir juste un aperçu de la situation de la presse en Algérie. L'historique s'impose. La presse algérienne est née dans la douleur. Durant la guerre de Libération, elle a relevé le défi. Elle a réussi à faire entendre la voix de l'Algérie en lutte. Malgré le manque d'expérience et de moyens, la presse algérienne a défendu la cause nationale et a réussi à faire face à la stratégie de propagande menée par la France coloniale. Depuis, le combat n'a jamais cessé. Après ce grand rôle joué pendant la glorieuse Révolution, la presse algérienne s'ouvre sur le pluralisme. C'est ce qui a permis l'émergence de titres «indépendants» -(appellation disparue aujourd'hui puisqu'on parle d'une presse privée). C'est là le premier et surtout le grand acquis. Durant la tragédie nationale, la presse «indépendante» n'a pas abdiqué. Elle a su comment défendre la nation en contribuant au développement du processus démocratique en Algérie. Mais à quel prix? Nombreux étaient les journalistes qui ont payé au prix de leur vie ces acquis. Une soixantaine de journalistes ont été assassinés et près d'une dizaine sont portés disparus. Les sacrifices des aînés sont une source de combat pour la nouvelle génération. Dans toutes les rédactions, les bureaux des partis politiques et les institutions de l'Etat, le mot «liberté de la presse» revient comme un leitmotiv. Le combat se poursuit, justement, dans le but d'atteindre cette liberté. Mais la liberté de quoi? De tout dire? De rien dire? De diffamer? Nul n'ignore que la presse algérienne ne cesse de tirer à boulets rouges sur les programmes et les actions du gouvernement. Les stratégies défaillantes de nos ministres sont dénoncées au quotidien. Les scandales sont révélés. Peut-on dire, ainsi, que la presse a atteint une certaine liberté en Algérie? Certes, il s'agit d'un acquis considérable, mais...Le souci professionnel du journaliste algérien reste toujours le même: serait-il possible de publier un article sans être traduit devant les tribunaux ou être emprisonné? La pénalisation du délit de presse constitue une véritable épée de Damoclès qui pèse sur les journalistes algériens. Le combat porte sur ce sujet. Le délit de presse est toujours passible de peines de prison et d'amende. L'article 144 bis du Code pénal algérien (en vigueur depuis 2001) prévoit en effet des peines de prison allant de 2 à 12 ans prison et des amendes pour tout propos jugé diffamatoire. Ces acquis ne doivent, tout de même, pas constituer l'arbre qui cache la forêt. La presse algérienne souffre de nombreuses défaillances. De nombreuses lacunes sont également à signaler. L'encadrement et la formation sont le talon d'Achille de toutes les rédactions à savoir la matière grise, le journaliste, le manque de formation et de perfectionnement. Le manque de professionnalisme, voire du respect de la déontologie et de l'éthique, est un fait avéré. Le Conseil d'éthique est dans un état comateux. A cela s'ajoute l'inexistence d'association de journalistes dignement représentative. Sur le plan socio-professionnel, nombreux sont les journalistes qui travaillent «au noir», c'est-à-dire non déclarés à la sécurité sociale. Le journaliste n'est pas suffisamment protégé. Qui est responsable de cette situation? Le pouvoir, les journalistes et les éditeurs sont complices. L'aide de l'Etat aux journaux est dérisoire pour ne pas dire inexistante. Le pouvoir conserve la mainmise sur les imprimeries et la publicité qui est la première ressource financière des organes de presse. Ces derniers, comme toute entreprise économique, sont appelés à une remise à niveau. Le pluralisme a donné naissance à des dizaines de titres dont la majorité d'entre eux ne sont en réalité que des entreprises de richesse et de fortune. Des «parasites» qui n'ont aucun lien avec la presse, ont pénétré la corporation pour des buts divers. Ces défaillances constituent, ainsi, un défi réel que la presse nationale est appelée à relever. Une politique d'assainissement s'impose au sein de la corporation. Pour relever tous ces défis, la presse doit rester entre les mains des professionnels et «débarrasser» la corporation des parasites qui instrumentalisent la presse à des fins autre que l'information. Une fois les défaillances corrigées et les défis relevés, le citoyen pourra alors espérer être informé avec plus ou moins d'objectivité et voir son droit, garanti par la Constitution, enfin assuré.