Dans Je n'ai pas tout dit. Ultimes révélations au service de la France, qui vient de paraître aux éditions du Rocher, le général Aussaresses, après Services spéciaux, Algérie 1955 - 1957 (éditions Perrin, 2002) et Pour la France, Services spéciaux, 1942 - 1954 (éditions du Rocher, 2004), revient sur son passé de tortionnaire pendant la guerre d'indépendance de l'Algérie. Nadjia Bouzeghrane Paris. De notre bureau A 90 ans, l'homme ne renie rien, ne regrette rien et continue à affirmer avoir agi pour la France, sur ordre des plus hauts responsables de la hiérarchie militaire et de l'Etat. Et s'il fallait recommencer, il recommencerait. C'est ainsi qu'après avoir balayé la thèse officielle du « suicide » de Ben M'hidi dans un entretien avec Florence Beaugé, journaliste du Monde en mars 2007, il révèle en détail les circonstances de la mort du responsable de l'ALN, affirmant que l'ordre de tuer Ben M'hidi était venu de François Mitterrand, alors garde des Sceaux. « L'ordre est venu de Paris », a-t-il répondu à Jean-Charles Deniau. Et à celui-ci de poursuivre : « De Paris, vous voulez dire du ministère de la Justice ? » « Oui », répond le général Aussaresses dans Je n'ai pas tout dit. Il raconte plus loin : « Nous avons conduit le prisonnier sous bonne escorte – nous craignions que le FLN n'organise une évasion – dans une ferme isolée. Là, dans une pièce à l'écart de l'habitation, mes hommes ont accroché une corde à un tuyau et placé un tabouret dessous. L'un d'eux a même testé le gibet pour mesurer la résistance du tuyau. Il était solide. Vers minuit, Ben M'hidi est entré dans la pièce. Il a repoussé le parachutiste qui voulait lui mettre un bandeau sur les yeux en disant qu'il était un soldat. Le para lui a répondu que c'était un ordre. La voix ferme, Ben M'hidi a répliqué : ‘'Je sais ce qu'est un ordre. Je suis moi-même colonel de l'ALN.'' Ce sont ses dernières paroles. » L'éditeur et les auteurs (Jean-Charles Deniau en collaboration avec Madeleine Sultan) prennent le soin d'avertir que « dans ce livre d'entretiens, le général Aussaresses raconte les faits tels qu'il les a vécus et tels qu'il s'en souvient. Ces propos n'engagent que lui et ne sont en aucun cas une apologie de ce qu'ils relatent ». Dans l'avant-propos, les auteurs écrivent que « la vie du général Paul Aussaresses, officier exemplaire qui ne cesse de se justifier en martelant qu'il n'a jamais agi sans ordre, pose dans toute sa complexité l'éternelle question : jusqu'où un militaire doit-il obéir aux instructions de sa hiérarchie quand le respect des droits de l'homme et les valeurs morales qu'il implique sont bafoués ? ». Paul Aussaresses raconte qu'il a été désigné le 1er mai 1947 comme commandant du 11e bataillon de Choc, basé à Montlouis dans les Pyrénées. « J'avais les coudées franches. C'est donc en me basant sur la fameuse liste de Pezou que j'ai choisi les agents qui me semblaient les meilleurs, pour former le 11e Choc. » (page 35) Une note des auteurs nous apprend que le « bataillon de Choc aéroporté », le 11e Choc, a été créé le 1er septembre 1946. Paul Aussaresses en est le premier commandant en titre. Cette unité « service Action », c'est-à-dire le bras armé du SDECE, est composée de près de cinq cents hommes et de vingt-cinq officiers formés à toutes les disciplines : saut en parachute de jour, de nuit, sur terre, en mer, maniement d'explosifs, combat corps-à-corps, transmission, survie en montagne et, plus tard, nageurs de combat. Sa devise est celle des SAS : « Qui ose gagne. » Pendant presque toute la guerre d'Algérie, le 11e Choc est aux avant-postes.