La justice française a condamné, hier, à Paris, le général Paul Aussaresses à une amende de 7.500 euros. Il a décidé, immédiatement, de faire appel. Le tribunal correctionnel de Paris a rendu, hier, son jugement à l'encontre d'Olivier Orban, P-DG des éditions Plon, et Xavier de Bartillat, directeur des éditions Perrin, tous deux poursuivis pour avoir publié le fameux livre du général Aussaresses, ancien chef des services de renseignements à Alger. Ils ont été condamnés à verser chacun 15.000 euros pour complicité de crime de guerre. Les éditeurs auraient, même, pour des raisons lucratives, aidé substantiellement ce dernier à publier son livre. Le général tortionnaire a été, lui, condamné à verser une amende d'à peine 7.500 euros pour complicité d'apologie de crime de guerre alors qu'une amende de 15.245 euros a été requise contre lui en novembre dernier. Pour le général Aussaresses, le devoir de témoignage a été, décidément, le seul mot d'ordre durant toute la tenue du procès. «Il y a le devoir de réserve, c'est une chose qui peut servir parfois à couvrir une lâcheté, et puis il y a le devoir de témoignage», a-t-il ajouté afin d'expliquer pourquoi, dans son livre Services spéciaux, Algérie 1955-1957, il avait sciemment levé le voile sur les pratiques de torture et les exécutions sommaires dont a été coupable l'armée française durant la Guerre d'Algérie. Ce même devoir de témoignage a fait que le général à la retraite s'était exprimé ouvertement, effrontément sur la signification que lui et ses compères donnaient à la torture. Un acte qui, selon eux, devient nécessaire quand il s'agit de sauver des vies innocentes, c'est du moins l'avis du général Schmitt, l'ancien chef d'état-major des armées (1987-1991), cité par la défense du général Aussaresses. Le général tortionnaire, cependant, se serait exprimé trop librement pour une France qui ne s'est pas encore réconciliée avec une certaine phase de son Histoire, trop ombrageuse et qui ne supporte plus très bien la pression du silence. Un silence qu'un Aussaresses est venu briser avec une froideur telle qu'un débat des plus chauds a été soulevé au sein de la classe politique française. Pour avoir brisé le silence, le général se dit victime. Repris par Le Figaro, il s'interrogeait, il n'y a pas encore si longtemps, sur les motifs de son inculpation: «Je me demande de quoi je suis coupable, a-t-il crié, je suis coupable d'avoir dit ou pas dit?» Concrètement, il avait bien raison d'employer le verbe «dire» plutôt que «faire». En tout état de cause, on ne reproche pas au général d'avoir torturé, mais uniquement d'avoir avoué l'avoir fait. On lui reproche de l'avoir dit trop franchement et trop cyniquement. Ce que le politiquement correct français ne pardonne pas. C'est dans ce sens que le tribunal devait «juger que M.Aussaresses n'avait pas le droit de se vanter de ses crimes», affirmait-on. Fin novembre dernier, une amende de 100.000 francs français avait été requise à son encontre par le tribunal correctionnel de Paris pour «complicité d'apologie de crime de guerre». Seulement voilà, il n'est pas question de le poursuivre pour autre chose, car, rappelle-t-on, ce n'est pas l'histoire qu'on juge, mais un simple délit de presse. Invoquant des obstacles juridiques, le juge parisien Jean-Paul Valat a signé, le 18 janvier dernier, une ordonnance de refus d'instruire une plainte pour «crimes contre l'humanité et assassinat» déposée par les deux soeurs Ben M'hidi à l'encontre du général.