Demain, la capitale tunisienne accueillera le gotha du 7e art maghrébin et de nombreux critiques, universitaires et chercheurs. L'initiative en revient à l'AIMS (American Institute for Maghrib Studies) et au CEMAT (Centre d'études maghrébines de Tunis). En offrant cet espace d'échanges et de rencontres entre les différents acteurs du cinéma, mais aussi avec le grand public, les cinéphiles et les universitaires, les organisateurs se proposent de mettre en place des repères afin de souligner les tendances actuelles et les perspectives d'avenir de cette cinématographie. Le Maghreb ne manque ni de créateurs de talent, ni de compétences techniques. Mais, malgré ses atouts, le moins que l'on puisse dire, est qu'il n'a pas toujours brillé par sa production cinématographique. Après avoir atteint des cimes, le cinéma algérien, longtemps moribond, a fini par disparaître totalement des écrans. En Tunisie, la production semble marquer, depuis plusieurs années déjà, un net ralentissement. Quel diagnostic établir ? Faiblesse des investissements financiers ? Ostracisme bureaucratique ? Pressions politiques ? Absence de structures cinématographiques ? Désintérêt du public ? Ou alors essoufflement des créateurs ? Nombre d'études et de recherches ont tenté d'apporter un éclairage sur cette dramatique situation. Depuis quelques années déjà, le flambeau de la cinématographie maghrébine est porté par le Maroc, où l'activité est en pleine expansion. En Algérie, à l'occasion de l'Année de l'Algérie en France (2003) et d' « Alger, capitale de la culture arabe 2007 », le phénix a paru renaître de ses cendres sans prendre pour autant son envol. En Tunisie enfin, suite aux derniers frémissements du secteur, l'espoir semble repointer. Par ailleurs, parallèlement aux festivals (Carthage, Marrakech, Tétouan, Oran…), les manifestations consacrées au 7e art, groupant des films du Maghreb, se font plus fréquentes et gagnent en importance. Après « Cinéma maghrébin : si loin, si proche », organisé par un collectif sur cinq villes du sud-ouest de la France, Saint-Denis, à l'initiative de l'Ecran, a rendu hommage au cinéma marocain et à la maison de production Indigènes Films, et organisé, le mois dernier, un « Panorama des cinémas du Maghreb », qui fut un grand moment. Pour ce premier colloque, il s'agit simplement d'établir un état des lieux et de mettre en exergue les problématiques de cette cinématographie depuis les indépendances. Les thèmes inscrits au programme portent sur de nombreux aspects : thématique, esthétique, économie, finances… Il sera également question d'écriture filmique, de critique cinématographique, d'expression amazighe, de production, de coproduction et de distribution de courts et longs métrages à l'échelle maghrébine. Trois journées rythmées par des projections, des tables rondes et des débats. En ouverture est programmé Sejnane, film-culte du cinéaste tunisien Abdellatif Ben Ammar, qui sera suivi de L'Envers du miroir de Nadia Cherabi et de La Beauté éparpillée de Lahcen Zinoun, film très remarqué au dernier festival de Tétouan. Cinéastes, critiques, universitaires, chercheurs, venus des quatre coins du monde, prendront part aux travaux qui se dérouleront à l'hôtel le Belvédère Fourati, au cœur de la capitale tunisienne, jusqu 'au 26 mai. Pour le président de l'AIMS, James Miller, cette rencontre permettra d'explorer tous les aspects de l'histoire du cinéma au Maghreb ainsi que les diverses relations qui régissent l'industrie du cinéma dans la région. L'intérêt et la particularité de cette rencontre, c'est qu'elle associe les spécialistes qui activent dans les domaines des études cinématographiques, littéraires, culturelles, linguistiques, sociologiques et anthropologiques, mais aussi ceux de disciplines connexes, telles l'histoire de l'art, l'architecture, la géographie… L'équipe organisatrice souhaite rendre visible la production filmique maghrébine qui, durant ce dernier demi-siècle, a marqué des jalons à l'échelle régionale et internationale sans exploiter pour autant ses potentialités. Les intervenants aborderont des questions diverses telles la rhétorique de la rupture (Kamel Ben Ouanès), la coproduction (Belkacem Hadjadj), la réception (Patricia Caillé) et l'amazighité à l'écran (El Hachemi Assad). Pour leur part, Olfa Chakroun, El Aroussi Moulin et Salim Aggar interviendront sur les problèmes de représentations du corps à l'écran, l'image de soi et la place de la jeune génération dans le cinéma du Maghreb. Le cinéma au féminin sera aussi à l'honneur avec les interventions de Nfissa El Ayachi, Florence Martin, Laura Thompson et Mohamed Bensalah. Parmi les autres axes de réflexion, on notera : L'image de l'Autre au cinéma, la mémoire et les perspectives d'avenir. Les participants aux tables rondes plancheront sur des thèmes divers : cinémathèques, festivals ciné-clubs, adaptation, écriture de scénarios, lcourt-métrage et documentaire, nouvelles technologies … Selon les organisateurs de ce grand workshop international, initiative louable à plus d'un titre, l'objectif ne se limite pas à découvrir et à faire connaître le cinéma du Maghreb. Ils souhaitent établir des liens solides entre les Etats-Unis et le Maghreb, une région recherchée par les réalisateurs européens et nord-américains pour y tourner leurs films. Un festival du film arabe est d'ores et déjà programmé à Minneapolis en octobre 2008 (1), avec pour thèmes : « The Arab world », « The Islamic world », and/or « the Arab/Muslim immigrant experience in the Wes ». Actualité oblige, la connaissance du monde arabo-musulman est devenue un sujet de premier plan aux Etats-Unis. Et le cinéma, à travers ses valeurs éthiques et esthétiques, a toujours été perçu, au pays du cinéma, comme un moyen privilégié de découverte et d'analyse. 1)Pour plus d'informations, [email protected]