Les tisseurs ont disparuI n'y a pas si longtemps, des articles laineux bien de chez nous emplissaient les étals et attiraient les plus exigeants. On y appréciait volontiers le burnous et la « kachabia » pour les hommes, « el bekhnouk » pour les femmes rurales, sans compter les bonnes vieilles couvertures et autres tapis en laine tissés et ornés à la manière locale. Pour tous ces articles, une seul outil de production : le séculaire métier à tisser (essedayya) inséparable d'un foyer auressien type, à côté du moulin de pierre, du tamis (ghorbal), du sac à provisions en peau de bête (el mezouad), du pilon (el mehres), du plat en terre cuite (tadjin) ou encore el gassaâ (grand ustensile servant notamment à la préparation du couscous). La fabrication d'un habit traditionnel à base de laine n'est pas une sinécure. Elle passe, après la tonte, par plusieurs phases plus pénibles les unes que les autres dont le lavage, le démêlage (el kerdacha), le filage (el meghzel) et enfin la teinture. La teinture traditionnelle recourt à des recettes à base de produits naturels dont le henné et les écorces de grenadine. Mais les ateliers de teinturiers, jadis répandus dans les villages ou à proximité des grands marchés, ont aujourd'hui totalement disparu. Il est ainsi devenu très difficile de nos jours de se faire confectionner une kachabia entièrement artisanale, même dans les régions rurales les plus enclavées en raison de la perte des métiers annexes au tissage dont la teinture. Et si par chance, on parvient à en dénicher une, le prix proposé s'avérera franchement dissuasif pour la plupart. N'échappant pas à l'infortune que connaissent les autres métiers séculaires, les ateliers de couture traditionnelle, appelée localement « sedara », ont fini eux aussi par fermer l'un après l'autre. Ces derniers ne chômaient presque jamais et accueillaient assez tôt les lots de laine filée destinée à la confection de burnous et de kachabia pour les longs mois de grand froid que vivent ces contrées de l'intérieur. Les femmes de la région rivalisaient alors dans la décoration des couvertures (hanbel et bsat) en laine. « El hanbel el margoum » (couverture de luxe décorée) était surtout l'œuvre de jeunes mariées et était généralement offert par les mères aux fils à marier.