Des hommages et des commémorations sont organisés ces jours-ci à Dakar (Sénégal), en souvenir du pionnier du cinéma africain. Au programme : recueillement sur sa tombe, exposition sur sa vie et son œuvre, colloque sur le thème « Ousmane Sembène, un homme dans son temps », projection de ses films et témoignages de professionnels ayant travaillé avec lui. Ousmane Sembène avait passé plus de 40 ans au service du 7e art et il était convaincu que dans notre continent, « le visuel est devenu aujourd'hui la seule voie de survie face à l'analphabétisme ». Et c'est dans cette optique qu'il lui importait bien plus de projeter ses films aux fins fonds de chaque village africain, que de recevoir les plus grandes distinctions des meilleurs festivals de film. Son discours reste d'ailleurs d'actualité pour le continent et pour nous par la même occasion. Il estimait qu'il était urgent de développer le cinéma en Afrique pour éviter « la noyade culturelle collective » et de faire du cinéaste un éveilleur de consciences. D'ailleurs, il considérait cet art comme un miroir grossissant des tares et des dysfonctionnements d'une société. Il insistait aussi sur le visuel parce que, selon lui, « tout peuple qui perd son image, perd aussi son identité, son passé, son présent et son avenir ». Lors d'un entretien donné à un journal sénégalais, en 1991, il expliquait à juste titre : « je continue à dire que le cinéaste africain est un grand homme politique qui a une conscience nationale développée puisque les problèmes qu'il soulève concerne la masse. Les problèmes qu'il soulève ne sont pas des problèmes individuels, ce sont les problèmes de la société. » Aujourd'hui, on se souvient de lui, non seulement comme un artiste mais aussi, comme un artisan et un militant du cinéma. Avec sa disparition, l'Afrique a perdu bien plus qu'un homme, un porte-parole infatigable. Et ce qui ne nous console pas, c'est de savoir que les choses n'avancent pas assez vite dans le cinéma africain, du moins pas assez face à l'avance rapide de l'obscurantisme et de tous les extrémismes. Il faudrait trouver un monde, beaucoup de monde. Des hommes et des femmes de la même trempe qu'Ousmane Sembène pour que nos sociétés cessent d'aller à reculons… En attendant, le moins qu'on puisse faire est de projeter ses films et de parler de lui autant que possible, pour que les jeunes ne vieillissent pas sans l'avoir connu.