Art C?est une véritable leçon sur le cinéma qu?a donnée le réalisateur sénégalais. Le réalisateur et scénariste sénégalais Sembene Ousmane, 82 ans, a rendu hommage, lors du Festival de Cannes, aux traditions orales de son continent et a souligné «qu'un film doit amener l'?il à entendre». Rappelant que le septième art est pour lui «un moyen de témoigner et de communiquer», Sembene Ousmane a insisté en estimant qu'«un scénario doit donner plus à l'?il qu'à l'oreille». «De tous les arts, le cinéma est l'art le plus populaire, le plus près de l'homme», a-t-il ajouté, se présentant comme «un défricheur et un témoin de son temps». Considéré comme le pionnier du cinéma africain, Sembene Ousmane a confié qu'il a toujours été fasciné par l'image, «qui aura été la concrétisation de sa vie». «Passer de l'oralité à l'image est naturel», estime-t-il. De son enfance dans un village près de Dakar, le cinéaste n'a pas oublié les histoires et légendes que lui racontait sa grand-mère et qui ont développé son goût pour l'image et l'imagination : «De la parole, l'image se créait dans ma tête», a-t-il dit. «L'envie de cinéma est arrivée à la fin des années 50», a ajouté Sembene Ousmane, formé au studio Gorki de Moscou, précisant que sa rencontre avec Charlie Chaplin a été capitale, mais également ces heures passées à la Cinémathèque française. Mobilisé dans les Tirailleurs sénégalais en 1942, Sembene Ousmane a embarqué clandestinement en 1946 pour Marseille, dans le sud-est de la France, où il a vécu de petits métiers et s'est engagé au syndicat CGT (Confédération générale du travail) et au Parti communiste français (PCF). «Grâce à eux, j'ai découvert la littérature, la musique et l'opéra.» Moolaadé, film sur les femmes africaines et plaidoyer contre l'excision, a été récompensé à Cannes l'an dernier par le prix Un certain regard. En 1968 et 1988, le jury du festival de Venise lui a décerné son prix spécial pour Mandabi et Thuaroye. «J'ai toujours cherché à m'adresser au plus grand nombre. Le cinéma le permet», a encore confié le cinéaste, qui projette ses films dans plusieurs pays d'Afrique, de village en village, pour poursuivre le dialogue. Si elle fête les 50 ans de son cinéma à l'occasion de cette 58e édition du Festival de Cannes, l'Afrique reste le continent parent pauvre du festival, à l'image de sa position marginale dans le cinéma mondial. Comme cela était déjà le cas l'an dernier avec Moolaadé, un seul réalisateur africain figure, cette année, dans la sélection Un certain regard : Delwende (Lève-toi et marche) du Burkinabé S. Pierre Yameogo.