Un contrat portant fourniture à l'Algérie d'une importante quantité d'insuline a été signé mardi 29 juin 2004 entre le ministère algérien de la Santé, client, et le laboratoire Novo Nordisk, fournisseur. Il intervient une semaine après les graves accusations de corruption à différents niveaux des institutions de l'Etat exprimées à Annaba par le premier responsable du groupe Saïdal. Selon M. Mourad Ouhadda, président de la Fédération algérienne des associations des diabétiques (FAAD), quelques jours auparavant, lors d'une réunion qu'il avait présidée au siège de son département, le ministre de la Santé lui avait laissé entendre que pas une goutte d'insuline ne serait importée. Le ministre aurait argumenté la mise en service en 2005 d'une unité de production d'insuline et que les stocks actuels sont largement suffisants pour assurer la disponibilité de ce médicament. La position du ministre a été confirmée par le président de la FADD qui, contacté, a affirmé : « Je confirme la signature de ce contrat par le ministre de la Santé ce mardi pour l'importation de l'insuline. Je confirme également les propos tenus par ce représentant de l'Etat quant à la suppression de toute importation de ce médicament. Qu'à partir de 2005, il sera produit par l'unité de Constantine en phase de démarrage dans les prochains mois. » Qu'est-ce qui a bien pu intervenir pour faire changer d'avis les responsables du ministère de la Santé en accordant leur aval à l'importation au laboratoire Novo Nordisk et en incitant les représentants de ce laboratoire à en informer quelques heures après le président de la FAAD ? La réponse de M. Mourad Ouhadda a été claire : « C'est un véritable sabotage. On cherche à tout prix à bloquer le projet du complexe pharmaceutique de Constantine appelé à produire de l'insuline dès le premier semestre 2005. La signature de ce contrat est une démonstration de force de ceux qui ont pour objectif de maintenir notre pays à l'état de dépendance vis-à-vis de l'extérieur en matière d'approvisionnement du marché national en médicaments. Ce sont des responsables de Novo Nordisk qui nous ont appelés pour nous informer de la signature du contrat. » En fait, la communication de l'information à des membres de la FAAD, impatients tout autant que leurs adhérents des 43 wilayas de voir une insuline made in Algeria sur le marché et la fin des importations, avait d'autres objectifs : démontrer que seule la loi de la mafia du médicament est appliquée, entraîner une réaction négative du laboratoire étranger Aventis avec pour effet la résiliation du contrat qu'il a signé avec Saïdal portant fourniture durant cinq années de la matière première nécessaire à la production de l'insuline par Pharmal Constantine et amener ce laboratoire à mettre un terme aux dons pour les diabétiques qu'il remet régulièrement à la FAAD. Pratiquement hors de lui, le président de la FAAD reprend à son compte les accusations du PDG de Saïdal lorsqu'il affirme : « Cela fait plus de 17 ans que le diabétique algérien attend la réalisation de cette unité de Constantine initialement prévue pour être réalisée à Tizi Ouzou. C'est à croire que pendant tout ce temps-là, on nous menait en bateau. » Comble du mépris, c'est au moment même où le PDG de Saïdal a annoncé la mise en production de l'insuline en Algérie pour le début 2005 que l'on apprend que le ministère de la Santé a signé ce contrat avec Novo Nordisk auquel « nous avons à maintes reprises exprimé notre opposition ». « Par ce sabotage économique et social, nous affirmons clairement que le ministre a trahi non seulement les diabétiques, mais tous les Algériens. » Du côté du ministère de la Santé, c'est la politique du black-out. C'est en tous les cas l'impression que nous ont donnée les multiples refus de toute déclaration que nous avons essuyés de nos interlocuteurs du ministère sur cette affaire. Celle-ci donne plus de consistance aux déclarations du PDG du groupe Saïdal : « Nous détenons des preuves que 30% de la facture d'importation des médicaments, qui de 600 millions annuellement dépasseront le milliard en 2004, passent par la surfacturation et les ristournes à l'étranger. En ce qui concerne l'insuline, son éventuelle production en Algérie dérangerait certains relais. Ces derniers travaillent pour le compte des quatre leaders mondiaux de l'insuline. Comment peut-on admettre accorder des visas d'importation à cinq importateurs activant dans la même gamme de produits que Saïdal ? » En 2002, ils étaient 45 privés à produire et à importer le médicament. Selon M. Barrouk, directeur central de l'organisation du groupe Saïdal, ce chiffre est passé aujourd'hui à 150, dont 60 implantés dans une seule wilaya. Pour lui, les lois sont claires : « Tout importateur doit obligatoirement investir dans la réalisation d'une unité de production dans un délai ne dépassant pas les deux années à partir du démarrage de ses activités d'importation. Combien sont-ils ceux qui ont respecté cette loi ? »