Invité hier au colloque sur « l'impunité en Algérie », organisé par la CADC et des associations à la maison de la culture Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou, le professeur Issad Mohand, avocat et spécialiste du droit international, a animé une conférence-débat portant sur le thème « Justice algérienne : état des lieux ». Il faut rappeler que le conférencier avait présidé une commission d'enquête sur les événements de Kabylie, installée en mai 2001 par le président Bouteflika. A propos de ce dossier, il dira à l'adresse d'une assistance nombreuse : « Il n'y a pas eu d'explication politique et une réponse juridique pour le fait de ‘‘tirer'' sur une région. Il faut interpeller l'Etat avec des moyens démocratiques sans déserter le terrain. » Revenant à l'état de la justice en Algérie, M. Issad constate « un grand recul » en matière de droit et de justice sociale. Un constat qu'il illustre à travers les récentes échauffourées entre les communautés mozabite et malékite dans la localité de Berriane, dont il se dit « affolé de voir qu'il existe des conflits ethniques entre deux groupes différents ».Dans ce cas, poursuit-il, l'Etat doit régler un préalable, qui est la crise sociale. Dans le même sillage, il aborde l'affaire Habiba, une chrétienne qui est jugée au tribunal de Tiaret et poursuivie pour « prêche d'un culte non musulman sans autorisation ».Il qualifie la constitution du ministère public en tant que partie civile de « grave ». Un procès qui a démontré que « la République est fragile et qu'on a peur pour l'Islam, le tout sous les phares du monde entier », renchérit-il. Sur sa lancée, il préconise que « la laïcité est le seul moyen pour réconcilier les religions. Mais chez nous, on leur fait la guerre ». En dépit du nombre de conventions internationales que l'Etat algérien avait ratifiées et malgré toutes les libertés qu'il a reconnues dans la Constitution, la situation sur le terrain est inchangée. Ce qui veut dire, selon lui, que « le pouvoir n'a pas posé les vrais problèmes, qui sont la réforme de l'Etat et l'instauration d'un système politique compétent, la justice et l'école. Celle-ci enseigne le fanatisme à ce jour et fabrique des jeunes qui veulent partir en Irak pour combattre les Américains ! »