Voici donc venue l'heure de vérité pour l'Union africaine dans sa position face à la crise au Zimbabwe. Son président avait assuré que des décisions allaient être prises, bien que le sujet ne figure pas à l'ordre du jour du sommet de l'UA ouvert, hier, dans la station balnéaire égyptienne de Charm El Cheikh, mais il est de son devoir de se positionner, même s'il faut par ailleurs se libérer de toute forme de pression exercée sur elle par des membres influents du Conseil de sécurité de l'ONU, qui, rappelle-t-on, s'est avéré incapable de prendre une quelconque décision. A son avantage, l'Afrique dispose des rapports de ses observateurs de la dernière élection qui vient de se dérouler, celle par laquelle la crise est survenue. Après les parlementaires du parlement panafricain, les observateurs électoraux de l'UA ont estimé, hier, que l'élection en question n'avait pas été conforme aux « normes » démocratiques de l'organisation. « Le scrutin n'a pas été conforme aux normes de l'Union africaine sur les élections démocratiques », a estimé l'équipe d'observateurs électoraux de l'UA, dans un communiqué. Et pour cause, le président sortant, Robert Mugabe, a été proclamé vainqueur d'un scrutin présidentiel où il était seul en lice, après le retrait du leader de l'opposition découragé par la répression. Les observateurs d'Afrique australe et le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, avaient déjà dénoncé un scrutin qui « ne reflète pas la volonté du peuple ». Pressé de prendre position, le président de la Commission de l'UA, le Gabonais Jean Ping, a déclaré, hier, à l'ouverture du sommet de Charm El Cheikh que « l'Afrique doit assumer pleinement les responsabilités qui sont les siennes et faire tout ce qui est en son pouvoir pour aider les parties zimbabwéennes à surmonter les défis de l'heure », alors que dans la salle se trouvait Robert Mugabe. De son côté, le président en exercice de l'UA, le chef de l'Etat tanzanien Jakaya Kikwete a appelé la communauté internationale à travailler avec la Communauté des Etats d'Afrique australe (SADC) « pour trouver une solution à ce problème ». Qualifiant la présidentielle zimbabwéenne d'« élection historique », M. Kikwete a estimé qu'il y « avait eu des signes positifs, mais aussi des défis ». Le dossier zimbabwéen a empoisonné les travaux préparatoires du sommet commencés vendredi dernier, le jour-même du second tour de la présidentielle zimbabwéenne, avec le conseil des ministres des Affaires étrangères de l'Union, qui faute d'un consensus, a laissé l'affaire aux chefs d'Etat. Quant au président du pays hôte, il semblait aller bien au-delà de cette question aussi importante soit-elle, mais qui en fin de compte ne devrait en aucun cas occulter la masse de problèmes auxquels se heurte le continent. Hosni Moubarek a ainsi estimé que « ce sommet marque un tournant (...) Nous faisons face à divers défis qui requièrent que nous parlions d'une seule voix pour défendre les causes de l'Afrique ». Rien de bien particulier, relèvera t-on, comme s'il s'agissait de laisser passer la vague, et alors que s'ouvrait ce sommet, les observateurs électoraux de l'UA se disaient « encouragés » par la « volonté » affichée du parti au pouvoir et de l'opposition de négocier après l'élection présidentielle qu'ils ont estimée non démocratique. « Cependant, la mission d'observateurs de l'UA est encouragée par la volonté affichée des deux parties d'entamer un dialogue constructif, dans le but d'assurer la paix, la stabilité et le développement au Zimbabwe », déclare cette même mission dans un communiqué. Lors de sa prestation de serment, le président Robert Mugabe a dit espérer une négociation rapide avec l'opposition, qui avait boycotté le scrutin. Le chef de l'opposition, Morgan Tsvangirai, a laissé dimanche dernier la porte ouverte à des discussions. Le secrétaire général « soutient les efforts de l'Union africaine et de la Communauté de développement d'Afrique australe (SADC) à promouvoir un accord acceptable pour le peuple du Zimbabwe », a indiqué sa porte-parole, rappelant que le secrétaire général adjoint et envoyé spécial de l'ONU, Haile Menkerios, était au sommet de l'UA pour « aider de toutes les manières possible ». hier, la tendance vers un compromis se profilait avec plus d'insistance. Il reste maintenant à définir le contenu de ce compromis, au demeurant évoqué par le médiateur sud-africain sous la forme d'un gouvernement de transition « afin de sortir le Zimbabwe de ses problèmes politiques actuels », sans que l'on sache ce que cela veut dire très exactement. En tout état de cause, ce dossier a éclipsé tous les autres, et la plupart d'entre eux ne manquant ni de pertinence ni d'importance. L'Afrique en a l'habitude, dira-t-on !