Adlène Meddi récidive en publiant chez le même éditeur, Barzakh, La Prière du maure. Toujours cette même veine et ce souffle poétique avec lequel il s'est fait connaître dans son premier roman ; Le casse-tête turc publié chez le même éditeur. Pas besoin pour ce journaliste d'El Watan de fuir la réalité de tous les jours ; surpolitisation littéraire. Reste que l'auteur saura faire un pied de nez à ses collègues en investissant un créneau qui reste tout de même à défricher : le polar. Il assure, lors de sa rencontre dans l'espace Noun, qu'il a commencé l'écriture de ce roman à la mi-2004, alors qu'il était de passage en France. La période choisie pour installer ses personnages, hauts en couleurs, rappelle que la décantation en Algérie ne s'est pas faite ; la guerre civile n'est pas toujours finie. Et la paix « résiduelle », celle-là, tardait à se dessiner. « Il fallait trouver trois éléments : un meurtre facile à dégager, une intrigue et une débauche de pistes à suivre », affirme-t-il à l'adresse des ses lecteurs venus, ce jeudi, à la librairie rue Rabah Noël. Guère spacieux, l'endroit a vu se bousculer une foule heureuse, cherchant à « mettre une image sur une signature ». L'auteur emprunte au polar, mais s'en éloigne par moment, en faisant siennes des positions politiques. Un commencement sur les chapeaux de roue rappelle la technique du roman policier : « Le cortège des berlines blindées serpentait dans la nuit et le brouillard. A travers les roseaux muets, suintaient les lumières des phares. Faisceaux jaunes mordant l'obscure vapeur des enfers. » L'entre-deux, ainsi choisi, donne au livre une consistance toute particulière. Le genre, qui a vu émerger des Chase, des Simenon et autre Agatha Christie, « donne plus de liberté au créateur ». Mais les littérateurs arabes ne l'ont guère adopté, à l'exception de Yasmina Khadra qui il l'a choisi avant de « tuer » Llob, le commissaire et personnage fétiche de sa trilogie noire, très noire même. La décennie rouge qu'il a choisie pour installer ses personnages est celle que l'on remarque chez Meddi, avec cette dose politique inaltérable en plus. Mais tout en affirmant qu'il n'écrit pas un tract, il revisitera quelques vérités sur « cette guerre contre les civils ». L'auteur reconnaîtra à cet effet la difficulté « de la vérité qu'on doit dire aux hommes concernant d'autres hommes ». Le décor choisi est celui que l'on voit toujours à Alger et, par intermittence, à Tam dans le Sud algérien. Pour l'auteur, Algérois, il y a deux Alger, sinon plusieurs, qui s'ignorent, mais qui donnent tout de même une force à cette ville, qui ne laisse guère indifférent ses habitants et le touriste de passage. L'Alger du jour, plate, sans aspérités, contraste avec celle de la nuit avec ses son un dergrounds vivants. A cet effet, le journaliste ne tarde pas à transparaître dans l'écrit. Un quelconque message à transmettre ? Pas tellement, puisque vouloir à chaque fois faire la leçon au lecteur n'aide pas l'émergence d'une grande littérature. Le calembour et les jeux de mots, l'auteur en raffole ; La prière du maure, empruntée au language de tous les jours, sans pour autant s'y perdre.