Alors que l'ambassade US confirme le transfert vers l'Algérie de deux Algériens après leur libération de Guantanamo, les autorités préfèrent laisser planer le doute en adoptant la loi du silence. Aucune information officielle n'a été rendue publique sur le sort des deux élargis. Pourtant, de source sécuritaire, ces derniers ont été remis aux autorités et doivent être présentés à la justice dans les jours qui viennent. Le sort de deux algériens libérés le 2 juillet dernier de Guantanamo reste une véritable énigme pour les ONG des droits de l'homme. Ainsi, pour la première fois, le Pentagone, dans un communiqué rendu public le 2 juillet, a annoncé avoir « libéré et transféré du centre de détention de Cuba, vers l'Algérie, deux Algériens », sans pour autant révéler leur identité. Il s'agit, selon des informations émanant des ONG internationales des droits de l'homme, de Houari Abderrahmane et Hamlili Ahmed Mustapha, détenus depuis plus de 6 ans à Guantanamo. L'information n'a suscité aucune réaction de la part des autorités algériennes, restées muettes sur le sujet. Contactée, l'ambassade des Etats-Unis d'Amérique, à Alger, a confirmé qu'il s'agit bel et bien « d'un transfert et non d'une simple mise en liberté des deux algériens », sans pour autant donner de détails sur cette décision ni les circonstances de son exécution. Du côté algérien, officiellement, c'est le black-out total. Une source sécuritaire a, néanmoins, confirmé le transfert et précisé que les deux algériens « vont être présentés à la justice, dans les jours qui viennent pour leur participation dans une organisation terroriste activant à l'étranger ». Nos interlocuteurs ont indiqué, par ailleurs, que leur transfert n'entre pas dans le cadre des négociations autour des détenus de Guantanamo. « Ils ont été transférés sans aucune condition préalable, et de ce fait sont passibles de la disposition du code pénal relative aux activités terroristes à l'étranger, même si celles-ci ne sont pas dirigées contre l'Algérie... » Pour d'autres sources qui suivent cette affaire, « le dossier des algériens détenus à Guantanamo est toujours en stand-by. A ce jour, aucun compromis n'a pu être trouvé pour le transfert des 19 Algériens (auxquels il faut maintenant enlever deux, puisqu'ils ont été transférés vers l'Algérie), qui restent dans cette prison, après que l'un d'entre eux eut été transféré en Albanie, et six autres, réclamés par le gouvernement bosniaque, du fait de leur nationalité algéro-bosniaque ». Où sont les deux détenus ? En attendant la réaction officielle des autorités algériennes, l'ONG américaine des droits de l'homme, Human Right watch (WRW), a rendu public samedi dernier un communiqué dans lequel elle a exigé non seulement des responsables américains mais aussi des autorités algériennes de révéler « immédiatement l'endroit où se trouvent les deux Algériens transférés de Guantanamo vers l'Algérie, le 2 juillet dernier ». Pour l'organisation, Houari Abderrahmane, âgé de 28 ans, et Hamlili Ahmed Mustapha, 49 ans, sont « portés disparus depuis leur retour en Algérie ». Dans ce communiqué, Jennifer Daskal, avocate de HRW, a déclaré que « les Etats-Unis ont maintenant une obligation de veiller à ce que les algériens transférés soient bien traités et que leurs familles soient informées et que des avocats puissent les assister ». Elle a alerté sur l'état de santé de Houari qui, selon elle, souffre de « graves problèmes ». Leur santé inquiète En décembre 2007, a-t-elle souligné, « le détenu aurait tenté de se suicider, s'automutilant la gorge avec ses ongles. Et à sa dernière entrevue avec son avocat, il a pris trois comprimés psychotropes et disait voir des fantômes et entendre des voix ». L'avocate a également précisé que le deuxième détenu, le nommé Hamlili, souffre de diabète. « Son épouse était enceinte au moment de son arrestation et n'a jamais vu son plus jeune enfant. Sa femme et ses cinq enfants vivent au Pakistan alors que sa sœur est en Algérie », a expliqué Me Daskal, avocate de l'ONG, notant plus loin : « Après six ans à Guantanamo, ces hommes sont finalement à la maison. L'Algérie doit immédiatement divulguer l'endroit où ils sont détenus, prodiguer à Houari les soins médicaux nécessaires et une chance aux deux de retrouver leurs familles ». Par ailleurs, HRW n'a pas manqué de souligner que les deux algériens sont les premiers rapatriés de Guantanamo, après six ans de détention. « Deux douzaines sont encore dans cette prison, parmi lesquels au moins cinq ont exprimé leur crainte de retourner chez eux. En vertu de la législation algérienne, les personnes soupçonnées de crimes liés au terrorisme peuvent être détenues en garde à vue durant 12 jours au maximum, sans avoir accès à un avocat. Dans la pratique, la police garde souvent des personnes au secret », ce qui constitue, selon elle, « une violation du code de procédure pénale, qui donne droit aux personnes en garde à vue d'informer directement leurs familles ». L'ONG va plus loin en affirmant que « les policiers auraient torturé et maltraité les détenus au cours de cette période initiale de garde à vue ». HRW a cité comme exemple les cas des deux Algériens, « Benaïssa Taleb et Réda Dendani, expulsés en 2007, de Grande-Bretagne, et qui ont été maintenus en garde à vue pendant 12 jours, durant lesquels ils auraient été menacés, battus et autrement maltraités. Les deux ont finalement été inculpés, jugés et reconnus coupables de participation avec une organisation terroriste en dehors de l'Algérie. Les aveux faits au cours de la garde à vue de 12 jours de détention ont été utilisés comme éléments de preuve à leur encontre ».