Le phénomène de l'exode rural va en s'amplifiant à Aïn Sandel. Les raisons évoquées par les professionnels de la cellule de proximité de cette commune rattachée à l'agence de développement social (ADS) de Annaba sont d'ordre économique, social et naturel. Selon les habitants, sur la centaine de ménages qui vivaient au niveau de Mechta Safia de Aïn Sandel, il n'en resterait que neuf. La commune de Aïn Sandel est située à 35 km du chef-lieu de wilaya, axe routier Guelma-Sédrata dans la daïra de Khézaras. Elle couvre une superficie de 79 km2 pour 4 893 âmes réparties sur deux villages, Aïn Souda (siège administratif de la commune) et Aïn Sandel, en plus de 42 mechtas, selon le dernier recensement de la population de 2008. De par son relief accidenté et la rudesse de ses longues périodes hivernales, la nature n'a pas gâté ses habitants. En effet, Farida Bouchef, coordinatrice par intérim de la cellule de proximité de cette circonscription, nous informe qu'une étude sociale, établie en 2003, basée sur des critères de ratios -habitants en rapport avec le logement, la santé, l'éducation, la richesse, raccordement aux réseaux d'AEP, eaux usées et autres- a fait ressortir que les 6 communes les moins nanties à travers la wilaya sont Bordj Sabaât, Aïn Sandel, Dahouara, Bouhamdane, Bouhachana et Nechmaya. Concernant la commune de Aïn Sandel, objet de notre visite, la responsable de cette même cellule déclare : « Nous avons réalisé en 2007 une enquête-ménage à Ouiden Laâdjoul, région située au sud-est de la commune de Aïn Sandel sur 4 mechtas : Kouli El Fougani, Hâsouana El Ghechia, Zâabouba et Safia, soit une population de 338 habitants formant 56 ménages. Pour ce qui est des logis, il en existe 50, dont 28 en bon état, 8 potables et 14 en très mauvais état, avec une bonne électrification rurale. Lors du focus-groupe, les habitants des mechtas ont été unanimes ; leurs doléances portent sur le manque d'eau, l'ouverture de pistes carrossables pour les transports en commun et la réfection de l'unique école primaire qui est sans eau et sans cantine ». D'autre part, Ahsen Haouassa, P/PAC de Aïn Sandel, dira à ce sujet : « Nous avons réalisé, entre 2002 et 2007, au niveau de Ouiden Laâdjoul, 5,5 km de pistes dans le cadre du désenclavement, 48 habitations rurales, en plus de la réhabilitation de zones agricoles et 11 fontaines publiques ». En clair, les doléances des habitants sont venues bien après les prétendues opérations inscrites dans le cadre d'un projet- pilote de développement rural initié par le ministère de l'Agriculture, en collaboration avec la FAO et la BID (Banque étrangère de développement), et d'autres, sectorielles ou de développement communal, toujours entre les années 2002 et 2007, dont les montants globaux alloués resteront une énigme, même pour le P/APC de Aïn Sandel, qui se gardera bien de nous les communiquer, à l'exception de celui de la réalisation d'un château d'eau à Mechta Tâabet Lediab, consistant en un montage financier de deux tranches avec l'ADS, pour un montant global de 7,5 millions de dinars, avec 10% de participation incombant à l'APC. Et pourtant, ce ne sont pas les enveloppes financières qui ont manqué. Comment ont-elles été dépensées ? Pas d'avenir à la campagne Une virée dans les hameaux de Ouiden Laâdjoul s'est imposée à nous d'elle-même. Il est midi trente, sur la route, après quelques centaines de mètres gravillonnées, sans un véhicule à l'horizon ni âme qui vive, où seul un bulldozer à l'arrêt se dresse sur le bas-côté, la piste devient de moins en moins praticable, le chantier de la construction d'une route est visiblement en souffrance depuis son inscription en 2003. Après quelques kilomètres et des pneus mis à rude épreuve, le gardien de l'école primaire de Ouiden Laâdjoul nous ouvre les portes de cette institution publique. A l'entrée, une fontaine à sec (l'une des onze construites dans la région), des dépendances dans un rare délabrement, les murs des classes sont lézardés et les sanitaires ne sont qu'un cloaque nauséabond. Les commentaires fusent : un homme, les traits creusés par les aléas de la vie, nous rejoint, disant : « J'ai 68 ans, et j'ai toujours habité ici, mais les autres sont tous partis (les familles, ndlr). Regarde là-haut, c'est la mechta Ras Azouz ; elles étaient 15 familles, aujourd'hui, il n'en reste plus qu'une. A Kouli El Loutani, il n'y a pas si longtemps vivaient 25 familles, elles sont parties vers les villes, seuls les vieux sont restés ! En tout, 3 familles y vivent encore ». Et d'ajouter : « Le phénomène de cet exode a débuté en 1985 ». Les raisons de cette fuite sont simples aux yeux de cet homme. Les jeunes partent vers les villes parce qu'ils ont senti qu'ils n'ont aucun avenir dans leur campagne sans eau, ni moyens de cultiver la terre.Quelques kilomètres plus loin, entre deux montagnes escarpées et une piste chaotique et des fontaines à sec,se trouve Mechta Safia. Il est 14h15, un homme, la quarantaine, maçon de profession, dira : « Nous étions près de 100 familles ici, il n'en reste que 9 ». Et d'ajouter : « La route est notre seul souci : il faut parcourir 8 km à pied pour trouver un moyen de transport en été. Pour ce qui est de l'hiver, je ne souhaite à personne de vivre ici, entre le froid de la neige et l'impossibilité d'acheminer du gaz butane ou du mazout. En ce qui me concerne je travail à Guelma et je fais cette route tous les jours dans les deux sens ». Notons enfin que 70% des pauvres vivent en zone rurale. L'accompagnement de l'Etat en matière d'auto-développement de la cellule familiale en milieu rural demeure un échec dans cette région de l'Algérie.