Si le recours à la publicité comme moyen de pression sur certains journaux est un constat partagé par l'ensemble des spécialistes des médias en Algérie, pour le ministre de la Communication, Abderrachid Boukerzaza, il ne s'agit là que d'une chimère. Il a en effet nié l'existence de tout monopole du secteur de la publicité, indiquant, tout de même, que 49% des annonceurs publicitaires (qui sont tous publics) sont pris en charge par l'Anep. Ne sommes-nous pas devant une situation de monopole lorsque l'Anep - c'est-à-dire les pouvoirs publics - détient la moitié du marché publicitaire ? Les procédés douteux et opaques avec lesquels sont distribuées les annonces de l'Anep ne font que confirmer les craintes des spécialistes et acteurs des médias. Le secteur de la publicité sera-t-il réellement livré aux seules règles universelles de la concurrence et à la loi du marché, après la mise sous embargo de la loi sur la publicité depuis 1999 ? La réponse sera livrée les prochaines semaines en faveur d'un projet de loi qui sera soumis probablement au Parlement durant sa prochaine session d'automne. Le ministre a précisé, le 10 juillet à Alger, que « le projet de loi régissant le secteur de la publicité est en cours de finalisation au niveau de son département ministériel et sera présenté au Parlement dans les prochaines semaines ». Rappelons que, depuis l'ouverture de l'information plurielle, la publicité a constitué une arme redoutable contre des titres de la presse privée, alors que des journaux de la presse publique bénéficient d'une grande cagnotte publicitaire, en dépit de leur faible tirage. Dès août 1992, le gouvernement Belaïd Abdeslam ordonne aux directeurs des entreprises publiques de confier la publicité à l'Anep, c'est-à-dire le retour déguisé au monopole sur la publicité. La loi mettant fin au monopole de la publicité, adoptée en juin 1999, a été rejetée par le Sénat le 29 juillet 1999. L'ancien ministre de l'Information, Abdelaziz Rahabi, installé en janvier 1998, va même réussir à relancer des projets de loi, dont la loi relative à la publicité. Rahabi a été écarté le 29 juin 1999, mais certains projets de loi sont toujours à l'ordre du jour. Pourquoi le Sénat avait-il rejeté la loi sur la publicité en 1999 ? Pour M. Rahabi, contacté par téléphone, la majorité parlementaire au Sénat, la même qui a pourtant voté le texte à l'APN, s'est rétractée sur le principe de l'organisation de la publicité. Le rejet de cette loi est motivé en outre par le fait qu'elle tend à mettre fin au monopole de l'Anep. Le même texte voulait considérer la publicité comme un sponsor de la liberté d'expression, tout en instaurant la transparence dans l'attribution de la publicité institutionnelle. M. Rahabi suggère de donner le choix aux ministères et aux entreprises publiques de passer par l'Anep ou par des particuliers. « Et si l'Anep veut faire de la publicité, qu'elle devient un opérateur économique comme d'autres », plaide l'ancien ministre de l'Information. Ainsi, le texte de Boukerzaza tend principalement à « actualiser » la loi de 1999. Selon le ministre de la Communication, 49% des annonces publicitaires passent par l'Anep, contre 51% pour les particuliers entre 2006 et 2007, alors que les panneaux publicitaires sont partagés entre l'Anep et les privés. Evoquant les recettes enregistrées par le secteur de la publicité en 2007, le ministre a affirmé qu'elles ont dépassé les 13 milliards de dinars pour la presse écrite publique et privée. Les recettes de la publicité télévisuelle sont de 3,221 milliards de dinars pour la télévision nationale et de 600 millions de centimes pour la Radio nationale. L'Algérie et le marché publicitaire au Maghreb Se référant aux chiffres enregistrés par le marché de la publicité en Algérie, les spécialistes pronostiquent qu'il devrait bientôt compter parmi les plus importants marchés de la région du Maghreb. Et cela devant la continuité de l'économie nationale à enregistrer des taux de croissance stables. Sachant qu'ils se transforment progressivement en des marchés consommateurs en premier degré à l'instar de ce qui s'est passé dans la région du Moyen-Orient et dans le Golfe. Les spécialistes ajoutent que si l'économie algérienne continue de réaliser ces taux de croissance, durant la prochaine décennie, le volume du marché publicitaire devrait passer de 100 millions de dollars, dont 25 millions de dollars pour l'audiovisuel, à un milliard de dollars et va devenir ainsi sans conteste le plus important marché de la publicité dans la région. Les budgets de la publicité vont augmenter grâce à l'ouverture économique et à l'émergence de la concurrence. Les experts attribuent le développement du marché de la publicité en Algérie à l'émergence de pôles industriels qui se basent sur des stratégies publicitaires importantes, afin de pénétrer le marché et y rester. Malgré ces prévisions favorables à l'Algérie, les plus importants budgets de publicité audiovisuelle se trouvent actuellement au Maroc, où le secteur audiovisuel détient la part du lion, car le gouvernement a permis à des investisseurs privés d'ouvrir des chaînes de télévision. La part du citoyen marocain de la publicité est de 5 euros ; en Tunisie, elle est de 1,8 euros, alors qu'en Algérie elle ne dépasse pas les 0,6 euro, l'équivalent de 60 DA. La relance du secteur audiovisuel chez nos voisins tunisiens et marocains est due à des capitaux gouvernementaux et étrangers, américains et français, qui veulent contrôler le plus important marché de consommation en Afrique du Nord. Selon le magazine du monde arabe de la francophonie Arabies, dans sa livraison de septembre 2007, avec 64% des investissements publicitaires (IP), le royaume s'octroie la préférence des annonceurs suivi de l'Algérie (23%) et de la Tunisie (13%).