On est en présence d'une véritable législation de combat contre les couples mixtes. Le conjoint français est stigmatisé comme un ennemi de l'intérieur, le conjoint étranger est placé dans une situation d'instabilité perpétuelle », s'indigne Nicolas Ferran, coordinateur du collectif Les Amoureux au ban public. Le collectif lance une campagne d'information sur le parcours du combattant auquel les 2000 couples mixtes qui le composent se disent contraints par l'administration française. « Le gouvernement est dans une logique de combat contre « l'immigration subie'', terminologie employée pour le regroupement familial et qui comprend les conjoints étrangers », déplore Nicolas Ferran. Marine Cordier-Souci, mariée à un Algérien, estime, au vu des milliers de témoignages recueillis, qu'il ne s'agit pas de « dysfonctionnements quand on nous balade mais d'une volonté d'avoir les couples à l'usure ». « C'était de la suspicion dès le début. Comme si un ‘'sans-papiers'' ne se marie que pour des raisons administratives, que pour obtenir un titre de séjour. A la préfecture, les rendez-vous se multiplient sans résultat. Des policiers sont venus à la maison, très tôt le matin, pour vérifier si nous vivons effectivement ensemble. Heureusement que nous étions tous les deux chez nous. De toute façon, nous n'avons pas les moyens de prendre des vacances. On nous a posé des questions très intimes. Malgré ces enquêtes et la masse impressionnante de documents qu'on a fournis, nous demeurons toujours suspects », se plaint Salah, arrivé en France en 2001 et en couple depuis deux ans. En 2006, il y a eu 88 550 mariages mixtes, dont 38310 célébrés en France et 50 240 à l'étranger. Le mariage avec un(e) Français(e) est devenu la première source d'immigration légale en France, selon le rapport de décembre 2007 du comité interministériel de contrôle de l'immigration. Tomber amoureux, un acte politique En tombant amoureux d'un étranger, on pose presque un acte politique », a ironisé Fabienne Raza-Levrat, mariée à un Pakistanais. Pour que le droit à une vie familiale normale ne s'apparente plus à un « parcours du combattant », ces couples mixtes ont rédigé une plateforme de dix revendications. Elles portent sur le respect du droit au mariage, la limitation des enquêtes qui portent atteinte à la vie privée, la délivrance de titres de séjour aux conjoints, la longueur des délais pour l'examen des dossiers et la transparence de leur instruction. Les témoignages vont tous dans le même sens. « Le conjoint étranger est placé dans une situation d'instabilité perpétuelle. Durant les trois années qui suivent le mariage, il doit renouveler son titre de séjour chaque année, avec souvent une très longue attente avant de le recevoir. J'ai rencontré un couple dans une situation invraisemblable : la préfecture avait mis tellement de temps pour lui fournir son titre de séjour qu'elle lui a remis un document périmé ! Ensuite, le conjoint étranger obtient la faculté - ce n'est même plus un droit depuis 2006 ! - de demander la carte de résident (10 ans), mais le préfet peut faire ce qu'il veut. Il conserve un pouvoir discrétionnaire sur la délivrance de ce document. Ainsi, un couple marié depuis plus de trois ans a néanmoins essuyé un refus de la préfecture, que nous avons réussi à faire annuler devant le tribunal administratif », explique Nicolas Ferrand. Cette campagne devrait toucher Carla Bruni, qui vient d'être naturalisée. Après tout, le couple présidentiel est un couple mixte ! », a souligné Dominique Sopo, président de SOS Racisme, lui-même issu d'une union franco-togolaise. Sur le plan institutionnel, « les Amoureux au ban public » saisiront la Halde (Haute autorité de lutte contre les discriminations) à la rentrée pour exposer les discriminations dont sont victimes les couples franco-étrangers en France comparés aux couples euro-étrangers soumis à des règles communautaires « plus protectrices ». Le Conseil constitutionnel devrait également être approché sur les aspects concernant le droit au respect de la vie familiale, de même que l'Association des maires de France pour le rôle que jouent les élus lors des mariages.