Le régime syrien a intensifié vendredi ses opérations militaires contre les villes rebelles malgré sa promesse de faire réussir la dernière mission de paix, suscitant l'impatience de l'émissaire international Kofi Annan qui a demandé un cessez-le-feu "immédiat". Dans le même temps, des milliers de personnes manifestaient à travers le pays pour exprimer leur déception après le sommet arabe de jeudi qui s'est contenté d'appeler régime et opposition au dialogue, et pour dénoncer l'inaction des pays de la région qu'ils accusent de les avoir "lâchés". "Le lâchage des Arabes et le silence des musulmans sont les choses les plus difficiles auxquelles font face les Syriens", lisait-on sur une pancarte brandie à Kafaroma, dans la province d'Idleb (nord-ouest) par des centaines de manifestants, bravant les opérations militaires dans cette région. D'autres rassemblements ont eu lieu à Damas et ses environs, dont certains ont été visés par des tirs des forces de sécurité, ainsi qu'à Alep (nord), deuxième ville du pays et Deir Ezzor (est). Les Etats-Unis ont estimé que l'armée n'avait rien fait pour se conformer au plan de sortie de crise de M. Annan prévoyant le retrait des chars des villes, la fourniture d'aide humanitaire et la libération des détenus. De fait, la répression et les attaques de villes rebelles ne donnent aucun signe de détente, avec 11 nouveaux morts vendredi, en majorité des civils. Le président Bachar al-Assad a en effet posé comme condition à la réussite du plan l'arrêt des violences commises selon lui par des "terroristes", soutenus par des pays de la région, allusion au Qatar et à l'Arabie saoudite, accusés par Damas de financer et d'armer l'opposition. L'armée a bombardé plusieurs quartiers de Homs (centre), troisième ville de Syrie, où l'armée tente d'écraser les poches de résistance, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH) et dans la province d'Idleb, elle a procédé à des perquisitions et incendié des maisons près de la ville de Maaret al-Noomane. Dans l'après-midi, des heurts ont éclaté entre rebelles et forces régulières dans le quartier de Jobar dans l'est de Damas après que la police a tenté de disperser une manifestation, fait rare dans la capitale. De violents heurts ont également éclaté à Harasta et Erbine, près de Damas, et dans les provinces de Hama (centre) et Deir Ezzor, selon l'OSDH et des militants. Les violences ont fait près de 10.000 morts, en majorité des civils, depuis le début de la contestation populaire le 15 mars 2011 selon l'OSDH. Cette révolte s'est militarisée au fil des mois, les rebelles, principalement des déserteurs de l'armée, disant chercher à défendre leurs villes et les civils, face à l'impuissance de la communauté internationale à faire cesser la répression menée par le régime. M. Assad doit appliquer le plan Annan "maintenant", a rétorqué vendredi le porte-parole de M. Annan, émissaire conjoint de l'ONU et de la Ligue arabe. "Nous attendons de lui que le plan soit exécuté immédiatement. A l'évidence, nous n'avons pas constaté de cessation des hostilités sur le terrain. C'est notre grande préoccupation", a-t-il dit. A Washington, les responsables n'ont pas caché leurs doutes concernant les intentions du régime. "Nous n'avons encore absolument rien vu sur le terrain qui prouve que (la Syrie) réponde aux appels demandant à ce que l'artillerie et les armes lourdes soient remisées dans les casernes et qu'un cessez-le-feu soit mis en place pour permettre à l'aide humanitaire d'être acheminée", a dit le département d'Etat. Mme Clinton, qui a rencontré le roi saoudien, devrait s'entretenir également avec son homologue saoudien Saoud Al-Fayçal des efforts internationaux "pour mettre fin au bain de sang en Syrie", selon le département d'Etat, avant de participer dimanche à Istanbul à la réunion des "Amis de la Syrie" pour "accroître la pression" sur le régime. L'Arabie saoudite et le Qatar, qui soutiennent l'armement de l'opposition --une question qui divise Arabes et communauté internationale-- ont boudé le sommet de Bagdad en n'y envoyant que des responsables de second rang. Les dirigeants arabes ont évité d'appeler M. Assad au départ et d'apporter leur soutien à l'armement des rebelles, alors que la Ligue arabe avait élaboré un plan prévoyant le transfert des fonctions du chef de l'Etat à son vice-président. "Les musulmans et les Arabes nous ont lâchés (...) mais Dieu est avec nous (...) et notre détermination nous apportera la victoire", ont réagi les militants sur la page Facebook The Syrian Revolution 2011 qui appelle les Syriens, comme chaque vendredi depuis un an, à manifester contre le régime.