Kofi Annan a démissionné jeudi de son poste de médiateur de l'ONU et de la Ligue arabe en Syrie après trois mois d'efforts infructueux, fustigeant le manque de soutien des grandes puissances à sa mission. "J'ai fait de mon mieux", a déclaré M. Annan lors d'une conférence de presse à Genève, mais "la militarisation croissante sur le terrain et le manque évident d'unité au sein du Conseil de sécurité, ont fondamentalement changé les circonstances pour l'exercice effectif de mon rôle". "Je n'ai pas reçu tous les soutiens que la cause méritait", a-t-il poursuivi. Une allusion transparente à l'incapacité des 15 pays membres du Conseil de sécurité de l'ONU à s'unir pour faire pression sur les protagonistes du conflit syrien, et en premier lieu sur Damas, à cause de l'obstruction systématique de Moscou et de Pékin. Ces deux pays ont mis leur veto à trois reprises à des projets de résolutions occidentaux au Conseil depuis le début de la crise syrienne en mars 2011. M. Annan, qui s'était rendu à plusieurs reprises à Damas pour y rencontrer le président Bachar al-Assad, avait proposé aux belligérants un plan de paix en six points prévoyant une cessation des combats et une transition politique. Mais ce plan, appuyé par le Conseil, n'a jamais été appliqué. La "transition" signifie que Bachar al-Assad doit "tôt ou tard" partir, a affirmé jeudi M. Annan. Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon avait auparavant annoncé que M. Annan ne comptait pas renouveler son mandat "quand il expirera le 31 août 2012". M. Ban a entamé des consultations avec son homologue de la Ligue arabe Nabil al-Arabi pour "nommer rapidement un successeur qui puisse poursuivre ces efforts de paix essentiels". Pour M. Ban, le plan Annan "reste le meilleur espoir pour le peuple de Syrie". Mais il n'a pas caché, lui non plus, que "les divisions persistantes au sein du Conseil (...) rendent le travail de tout médiateur beaucoup plus difficile" et que les deux camps apparaissent pour l'instant déterminés à se battre jusqu'au bout Depuis plusieurs semaines et surtout depuis l'intensification des combats à Damas et Alep (nord), des diplomates de pays membres du Conseil ne cachaient pas en privé que "la mission Annan est morte", selon les termes de l'un d'eux, et qu'il restait à Kofi Annan à "en tirer lui-même les conséquences", personne ne voulant donner le coup de grâce. Anticipant sur cette démission, un diplomate confiait il y a quelques jours: "ce ne sera pas une surprise, on lui a confié une mission impossible". M. Annan, un Ghanéen de 73 ans, prix Nobel de la Paix 2001 et ancien secrétaire général de l'ONU (1997-2006), avait été nommé le 23 février. Selon des diplomates, il avait demandé expressément au Conseil à la mi-juillet de lui donner des moyens de pression supplémentaires sur les protagonistes du conflit, et en premier lieu sur le gouvernement syrien, en brandissant contre Damas la menace de sanctions économiques. Mais la Russie et la Chine, qui ont toujours cherché à protéger leur allié syrien, en ont décidé autrement en mettant leur veto le 18 juillet à un projet de résolution occidental prévoyant de sanctionner Damas s'il persistait à bombarder les villes syriennes rebelles. Depuis lors, M. Annan n'avait plus fait de déclarations publiques. La mission d'observateurs mis en place en Syrie par l'ONU (Misnus) depuis avril dernier vient d'être réduite de moitié, à 150 hommes seulement. Son chef le général norvégien Robert Mood a quitté Damas, remplacé provisoirement par le général Babacar Gaye, principal conseiller militaire de l'ONU. Un des deux adjoints de M. Annan, le Français Jean-Marie Guehenno, a lui aussi quitté son poste. Le Conseil de sécurité a prolongé le mandat de la Misnus d'un mois jusqu'au 19 août mais en avertissant que la mission serait retirée à cette date si les conditions de sécurité et les circonstances politiques ne s'amélioraient pas très nettement en Syrie d'ici là. L'ambassadeur russe à l'ONU Vitali Tchourkine a tenu à être le premier à réagir à la démission de M. Annan, regrettant cette décision et affirmant: "nous avons soutenu ses efforts". Il a qualifié la mission de M. Annan de "terriblement difficile".