La Tunisie marquait mardi le premier anniversaire de l'élection de l'Assemblée nationale constituante (ANC), mais ces célébrations sont assombries par un climat de tensions croissantes et des accusations de dérive visant le gouvernement dirigé par les islamistes. Pour l'occasion, le président Moncef Marzouki, le Premier ministre, l'islamiste Hamadi Jebali, et le chef de son parti Ennahda, Rached Ghannouchi, étaient présents pour une séance extraordinaire de l'ANC. Ennahda, qui dirige le gouvernement depuis sa victoire électorale il y a un an, a souligné dans un communiqué les succès enregistrés depuis comme "la croissance" économique, "l'amélioration de la sécurité", "l'instauration des libertés et des droits", autant de sujets où les islamistes sont attaqués par leurs détracteurs. En effet, cet anniversaire intervient dans un climat politique délétère, avec notamment la mort la semaine dernière à Tataouine (sud) d'un opposant dans des affrontements entre partisans des islamistes et leurs adversaires. Et des députés d'opposition ont annoncé boycotter la séance de l'ANC pour protester contre ce qu'ils considèrent comme une dérive d'Ennahda. Une partie des rangs de l'ANC étaient clairsemés. Outre les tensions politiques, la Tunisie a connu plusieurs bouffées de violences orchestrées par la mouvance salafiste jihadiste ces derniers mois et Ennahda est accusé de laxisme voire de complaisance à leur égard. Dans ce contexte, l'armée et le ministère de l'Intérieur ont annoncé avoir déployé des renforts dans tout le pays pour prévenir tout débordement. L'ONG Amnesty international a aussi exprimé des doutes sur l'engagement en faveur des droits de l'Homme des autorités tunisiennes. "Les progrès réalisés en Tunisie en matière de droits humains après le renversement du président Ben Ali sont battus en brèche par l'équipe gouvernementale actuellement au pouvoir, qui suscite des doutes sur son engagement en faveur de réformes", relève Amnesty. Zine El Abidine Ben Ali a été le premier dirigeant d'un pays arabe à quitter le pouvoir sous la pression de la rue et avait fui son pays pour l'Arabie saoudite le 14 janvier 2011 après 23 ans de règne sans partage. Amnesty relève dans un rapport publié mardi et appelé "la Tunisie, un pas en avant deux pas en arrière", que "les restrictions à la liberté d'expression se sont durcies" sous prétexte "de maintien de l'ordre public et moral". Elle note aussi que le pouvoir n'a pas "semblé désireux ou capable de protéger la population contre les attaques de groupes soupçonnés d'être affiliés à des groupes salafistes".Enfin, elle regrette le "recours à une force injustifiée et excessive" pour disperser des manifestations ces derniers mois en Tunisie. Il s'agit là aussi des grands thèmes repris par l'hétéroclite opposition tunisienne, qui accuse Ennahda de dérive autoritaire et de tenter d'organiser une islamisation rampante de la société. Enfin, l'ANC a échoué à adopter dans le délais annoncé d'un an la nouvelle Constitution du pays, si bien qu'une partie des opposants jugent que le gouvernement a perdu sa légitimité. Symboliquement, l'assemblée doit néanmoins débattre mardi du préambule de la future loi fondamentale, un premier débat général en plénière sur le contenu de ce texte.