Le chanteur Khaled sera le maître de cérémonie, vendredi, samedi et dimanche au Cirque d'Hiver à Paris, d'un hommage au raï urbain, qui a investi à partir des années 40 les cafés d'Oran, la ville frondeuse algérienne, et subi depuis plusieurs révolutions esthétiques. Khaled, qui demeure la grande vedette internationale du raï, a invité pour cette série de concerts trois autres chanteurs: Boutaïba Sghir, considéré comme l'un des pères du raï moderne, Cheb Sahraoui et Cheba Zahouania, qui font partie de la génération des années 80, à l'époque où le concept de "world music" perce sur les marchés occidentaux. Le pianiste et chanteur séfarade Maurice El Médioni montera également de Marseille pour être de la fête vendredi et dimanche. El Médioni, une figure de la scène musicale oranaise - Médioni est aussi le nom d'un quartier de cette ville -, est à 82 ans l'un des derniers héros de la musique judéo-arabo-andalouse. Il a également inventé le "pianoriental", un style mêlant la musique arabo-andalouse, la rumba et le jazz, et participé à ses débuts à l'évolution esthétique du raï, accompagnant notamment dans les années 40 Blaoui Houari, l'un de ses premiers rénovateurs. Le "raï" ("opinion") est à l'origine une musique bédouine, un chant rural accompagné de flûtes et percussions traditionnelles, rugueux comme le blues, symbolisé par la chanteuse Rimitti. Il s'est urbanisé à partir des années 30/40 à Oran, la ville des plaisirs, surnommée "la frondeuse". Les textes des chansons, d'une grande liberté de ton, sont souvent irrévérencieux, voire obscènes. Khaled, l'un des acteurs du festival de raï de Bobigny en 1986, acte fondateur de la reconnaissance du genre en Europe, a ouvert cette musique enivrante au funk, au reggae, aux sons électroniques. Des générations de "teufeurs" ont dansé sur ses tubes planétaires, "Didi", "Aicha" ou "La Camel". Après quelques années troubles, il a publié début 2009 "Liberté", un disque où il trouve l'équilibre entre raï authentique et arrangements sophistiqués. La présence dans le cadre de cet hommage de Boutaïba Sghir a aussi valeur d'événement. Ce chanteur est considéré comme l'un des pères du raï moderne: il y a introduit dans les années 60 guitares électriques et cuivres, pour ce qu'on a appelé le "pop raï". Cheb Sahraoui a exporté le raï aux Etats-Unis et formé un duo fameux avec Chaba Fadela. Comme Khaled, il a ouvert son raï à d'autres musiques, comme la salsa sur "Un homme libre", un de ses albums. Cheba Zahouania, enfin, rappellera que le raï était à l'origine souvent l'affaire des femmes. Très populaire, cette chanteuse est tristement célèbre: son ami et partenaire sur scène Cheb Hasni, le "rossignol" du raï, a été assassiné de deux balles dans la tête en 1994 à Oran, au cours des années de plomb de l'insurrection islamiste.