L'Union pour la Méditerranée (UpM), projet cher au président français Nicolas Sarkozy et destiné à créer une dynamique de paix au Proche-Orient, est paralysée par les blocages israélo-palestiniens et risque un report du sommet prévu le 21 novembre à Barcelone. Au moment où Nicolas Sarkozy ambitionne de réformer la gouvernance mondiale à la tête du G20, les perspectives sont sombres pour cet autre grand dessein du président français, lancé en fanfare en 2008. Un report du sommet de Barcelone, déjà ajourné en juin, apparaît fort probable, selon plusieurs sources diplomatiques. Le report pourrait être confirmé à l'issue d'une rencontre jeudi à Paris entre les chefs de la diplomatie française et égyptienne, Bernard Kouchner et Ahmed Aboul Gheit, dont les pays co-président l'UpM, et l'ancien ministre des Affaires étrangères espagnol, Miguel Angel Moratinos, qui reste en charge de la préparation de ce sommet. Deux ans et demi après le lancement de l'UpM, regroupant 43 pays (les 27 de l'UE, la Turquie, Israël, les pays arabes riverains de la Méditerranée), cette initiative fait toujours l'objet de nombreuses "réticences", selon Denis Bauchard, de l'Institut français des relations internationales (IFRI). Même s'il permet de porter de l'avant des projets concrets (dépollution, transports, eau, environnement), ce partenariat ambitieux est allé de déconvenues en déconvenues, liées à la crise israélo-palestinienne: offensive israélienne à Gaza, refus des Arabes de rencontrer le nouveau chef de la diplomatie israélienne Avigdor Lieberman, arraisonnement de la flottille pour Gaza, reprise des constructions dans les territoires occupés. En avril, une simple référence aux "territoires occupés", rejetée par Israël, avait suffit à faire capoter le projet de stratégie pour l'eau sur le pourtour de la Méditerranée. La tension au Sahara occidental, qui envenime encore les relations entre le Maroc et l'Algérie, ne peut que bloquer un peu plus l'UpM. Déjà la coopération "EUROMED", qui l'avait précédée, avait été lancée en 1995 à Barcelone pour "accompagner les accords d'Oslo" mais avait dépéri avec l'enlisement du processus de paix, a rappelé Denis Bauchard. "Les mêmes causes produisant les mêmes effets", l'initiative plus ambitieuse de l'UpM subit la même érosion, note cet ancien ambassadeur de France au Moyen-Orient. Fin septembre, Nicolas Sarkozy avait demandé que "l'Europe, premier donateur en faveur des Palestiniens, et l'UpM", participent aux pourparlers directs que l'administration Obama avait relancés début septembre entre Israël et les Palestiniens. La diplomatie française a déploré que la Haute représentante de l'Union européenne, Catherine Ashton, n'ait pas été présente à Washington à cette reprise des pourparlers. Pour Denis Bauchard, les Etats du nord de l'Europe, regardant vers l'Est et la Russie, restent sceptiques ou peu mobilisés pour l'UpM. Sur la rive sud, le Maroc, la Tunisie et la Jordanie sont plus intéressées par l'association que l'Europe leur propose, et la Turquie soupçonne dans l'UpM "un substitut" à son adhésion à l'UE. Selon l'ancienne ministre socialiste aux Affaires européennes, Elisabeth Guigou, "ce partenariat reste absolument essentiel pour l'Europe" par delà les aléas politiques, "en raison des complémentarités évidentes". Selon elle, des réunions techniques et de hauts fonctionnaires permettent aux Israéliens et aux Arabes de se rencontrer, et l'UpM "répond à une vraie attente dans les sociétés civiles du sud de la Méditerranée". "Il faut que le secrétariat permanent établi à Barcelone fonctionne. Il y a des difficultés mais il ne faut pas qu'elles nous arrêtent", a-t-elle plaidé.