Une simple référence aux «territoires occupés», demandée par les pays arabes et rejetée par Israël, a fait capoter l'élaboration d'une stratégie pour l'eau en Méditerranée. L'Union pour la Méditerranée (UPM) a subi un revers cuisant mardi, avec l'échec à Barcelone d'une conférence sur l'eau en raison du différend israélo-arabe, laissant mal augurer de ses ambitions à être, deux ans après son lancement, un moteur de paix. Une simple référence aux «territoires occupés», demandée par les pays arabes et rejetée par Israël, a fait capoter l'élaboration d'une stratégie pour l'eau en Méditerranée. Ce fiasco «fait planer des doutes sur l'avenir de l'UPM», a constaté son nouveau secrétaire général, le Jordanien Ahmed Massa'deh. Le succès du Sommet des chefs d'Etat et de gouvernement le 7 juin à Barcelone, qui devait être l'occasion d'une relance politique, est incertain, à un moment où les tensions s'accumulent entre Palestiniens et Israéliens, observent les analystes. Lancée tambour battant en 2008 sur initiative du président Nicolas Sarkozy, et regroupant 43 pays (les 27 de l'UE, Turquie, Israël, les pays arabes riverains de la Méditerranée), l'UPM ambitionnait précisément de surmonter les crises politiques à travers des projets concrets de coopération sur l'eau, la dépollution ou l'énergie. Mais elle reste plombée par les discordes, mais surtout par le conflit palestino-israélien. L'été dernier, le président Sarkozy avait souhaité un Sommet de l'UPM qui «accompagnerait la reprise des négociations de paix dans leurs trois volets», palestinien, syrien et libanais. Voeu jamais exaucé. Lors d'un colloque samedi à Paris, le chef de la diplomatie espagnole Miguel Angel Moratinos a évoqué un lancement possible à Barcelone avec la France et l'Egypte d'«une initiative politique», pour faire redémarrer le processus de paix. Tout en réaffirmant que l'UPM ne progresserait «que si on arrive à prendre une initiative forte sur le plan politique», le conseiller du président Sarkozy, Henri Guaino, concepteur du projet en 2007, s'est montré plus sceptique: «jamais la situation au Proche-Orient n'a été aussi bloquée, jamais le dialogue n'a autant été un dialogue de sourds». Pour Denis Bauchard, expert sur le Moyen-Orient auprès de l'Ifri (Institut français des relations internationales), l'UPM est «loin du projet initial inspiré par Guaino, qui voulait créer une nouvelle union analogue à l'UE et un ensemble très intégré». «Elle s'est réduite à un Barcelone plus», dit-il, faisant allusion au processus de Barcelone lancée en 1995, englué dans les différends israélo-arabes mais qui a permis à l'Union européenne de financer des projets dans le sud de la Méditerranée. C'est à ce processus «Euromed» que l'UPM avait succédé avec un objectif bien plus ambitieux. L'ancien ministre français des Affaires étrangères, Hubert Védrine, qui voit dans l'UPM «un projet bien intentionné et mal conçu», pense qu'il n'a pas la vocation et la capacité à régler un problème aussi complexe que celui du Proche-Orient. «La dimension institutionnelle et politique de l'UPM me paraît prématurée, hyper-fragile, bancale», dit-il. «Je propose, ajoute-t-il, pour sauver l'UPM d'en faire un parapluie sous lequel toutes sortes de projets se développent». «On ne peut avancer que si on n'oblige pas tout le monde à faire la même chose en même temps. Il faut faire de grands projets à géométrie variable». «Si la Méditerranée n'est pas sérieusement dépolluée, dans 10-15 ans, ce sera une poubelle. C'est un enjeu beaucoup plus intéressant qu'un projet politique ambigu qui n'avance pas», soutient l'ancien ministre socialiste.