LONDRES - L'instauration d'une zone d'exclusion aérienne au-dessus de la Libye "est parfaitement réalisable", mais elle exigerait d'importantes ressources et l'appui des pays de la région, ont souligné mardi les experts d'un des principaux instituts de recherche sur la défense, l'IISS. "C'est parfaitement réalisable, même si ce n'est pas sans risque", a indiqué Douglas Barrie, un des experts de l'Institut International d'Etudes Stratégiques, qui présentait mardi son rapport annuel sur l'équilibre des forces dans le monde. "Faute de zone d'exclusion, le régime libyen continuera d'utiliser l'avantage dont il dispose en termes de forces aériennes et cela rendra la situation de l'opposition beaucoup plus difficile", estime-t-il. Son collègue Ben Barry note toutefois que la zone d'exclusion empêcherait les rebelles d'utiliser les hélicoptères qu'ils pourraient prendre aux forces loyales à Kadhafi, et pourrait donc "ne pas donner aux rebelles un avantage décisif". En terme de moyens, il ne fait aucun doute pour ces experts que les pays occidentaux disposent du nombre d'avions nécessaires. "Il a fallu 200 avions de combat pour mettre en oeuvre une zone d'exclusion aérienne en Bosnie, mais c'était beaucoup plus proche des bases de l'Otan que l'est la Libye", a estimé Ben Barry. Toutefois, il serait probablement nécessaire de "redéployer des forces occidentales basées en Afghanistan ou ailleurs", note-t-il. Politiquement, plusieurs conditions cruciales doivent être réunies. En Bosnie, comme en Irak, l'imposition de zones d'exclusion aériennes a été étayée par des résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU, observe Ben Barry. L'adhésion des pays arabes est un autre élément clé dans le scénario libyen. Après les monarchies arabes du Golfe lundi, l'Organisation de la conférence islamique (OCI) s'est déclarée mardi favorable à l'établissement d'une zone d'exclusion. "Bien sûr politiquement, si les pays arabes, dont plusieurs ont des forces aériennes très compétentes, choisissent de participer, cela aiderait à contrer les allégations libyennes d'une attaque occidentale contre le pays". Reste que pour l'instant, "le Pentagone est réticent" note Dana Allin, spécialiste des Etats-Unis, pour qui "le président des Etats-Unis est manifestement "un homme prudent". Cependant, les experts se gardent de prédire l'issue des combats sur le terrain. "C'est une guerre civile où les deux parties font preuve de retenue", note l'expert, car "les deux forces en présence pensent qu'elles vont gagner et aucune ne veut détruire le pays" et s'aliéner les populations. Mouammar Kadhafi n'a pas fait un usage massif à ce stade de ses forces aériennes "peut-être délibérément, afin de ne pas pousser à la mise en oeuvre d'une zone d'exclusion", mais aussi pour préserver l'avenir, note Ben Barry. "Tripoli est le centre de gravité" et celà explique également que l'on n'ait pas vu à ce stade d'offensive de grande ampleur. Le régime serait à la fois soucieux de ne pas dégarnir la défense de la capitale et de ne pas s'aliéner les populations civiles. "Ce que les médias donnent pour des combats relève plutôt de l'escarmouche", estime-t-il. Selon Douglas Barrie, spécialiste des forces aériennes, "les Libyens disposent sur le papier de 300 avions de combat mais en termes opérationnels le nombre est très, très inférieur, certains n'ont pas été utilisés depuis plus de dix ans". Dans le cadre de son rapport sur l'état des forces militaires dans le monde, lIISS insiste sur "la redistribution globale" en cours: les budgets de défense des pays occidentaux sont "sous pression" sous l'effet de coupes budgétaires, tandis que les dépenses militaires explosent dans d'autres régions, surtout Asie et Moyen Orient.