Que va dire Bush devant l'Assemblée générale des Nations unies? Bush, dit-on, va produire «d'importantes» preuves contre Bagdad pour amener la communauté internationale à soutenir la guerre qu'il veut mener contre l'Irak. Pendant quelques jours, et les déclarations d'officiels américains faisant foi, on pouvait, à tout le moins, estimer que les Etats-Unis allaient administrer à la face du monde, à la veille de la célébration du premier anniversaire de l'attaque anti-américaine de New York, la preuve de l'implication irakienne dans le désastreux attentat du World Trade Center. Il n'en est rien! Après avoir vainement essayé de trouver un lien entre l'Irak et Al-Qaîda, d'une part, entre Saddam Hussein et Oussama Ben Laden d'autre part, les Etats-Unis renoncent, selon le Washington Post de mardi, faute de preuves convaincantes, «à lier l'Irak aux organisations terroristes». Du coup la Maison-Blanche, qui perd ainsi un argument de poids, concentre tous ses efforts à faire valoir que l'Irak a les capacités technologiques et scientifiques, humaines, matérielles et financières pour produire à terme une arme nucléaire. Rien que ça! C'est du moins ce que va s'attacher à démontrer, aujourd'hui, le président Bush dans un discours, attendu, devant l'Assemblée générale de l'ONU. Dans cette perspective, Washington et ses plus proches alliés, comme la Grande-Bretagne et l'Australie, s'ingénient à mettre en exergue le danger que constituerait, selon eux, «l'existence d'armements de destruction massive irakiens». C'est ainsi, que l'IISS (Institut international d'études stratégique, dont le siège se trouve à Londres) Richard Butler, ancien chef des inspecteurs en désarmement de l'Irak (Unscom), les Premiers ministres britannique et australien sont mis à contribution dans cette insolite campagne contre l'Irak. Se montrant alarmistes, l'IISS et Richard Butler estiment que l'Irak dispose des «capacités de produire une bombe nucléaire dans les six mois, pour peu qu'elle puisse se procurer la matière fissile». De fait, rien n'est réellement établi et leur «religion» relève de la simple présomption comme l'indique, justement, M.Chipman, directeur de l'IISS, selon lequel, «il n'existe aucune certitude sur l'étendue des capacités irakiennes actuelles», affirmant: «L'Irak n'a pas d'arme nucléaire, mais pourrait probablement fabriquer une arme nucléaire en quelques mois s'il obtenait à l'étranger la matière fissile qui lui manque (...)». Abondant dans le même sens, Richard Butler, déclare que l'Irak «devrait être en mesure de produire une bombe nucléaire au cours des six prochains mois s'il parvient à se procurer la matière fissile sur le marché noir russe». Cependant nuançant son propos, l'ancien expert de l'ONU ajoute: «Mais le genre de menace dont on parle maintenant doit être très soigneusement examiné avant de prendre la décision terrible d'envoyer des gens à la guerre». Ce qui ne semble pas être le souci premier de MM.Blair et Howard, respectivement chefs des gouvernements britannique et australien. Alors que le premier traite le président Saddam Hussein de «hors-la-loi», - à quelle loi se réfère Tony Blair, la sienne ou celle de M.Bush? -, le second, sans avancer de preuves avérées, affirme néanmoins que «l'arsenal de l'Irak est amplement prouvé» se fondant uniquement sur le rapport de l'IISS, cité ci-dessus, lequel cependant n'avance aucun fait crédible, prenant au contraire des précautions pour dire son sentiment sur les capacités irakiennes actuelles. C'est ainsi que François Heisbourg, directeur de la Fondation pour la recherche stratégique et ancien directeur de l'IISS indique que le document en cause «constitue un rapport factuel sur l'état des connaissances dans le domaine public sur les armes de destruction massive irakiennes» relevant: «Ceux qui sont en faveur d'une opération militaire diront que c'est très inquiétant et que c'est un casus belli. D'autres diront que c'est inquiétant mais pas au point de constituer un casus belli.» Opinion que partage d'une manière générale la communauté internationale pour laquelle une opération militaire contre l'Irak ne s'impose pas, et en tout état de cause, ne peut se réaliser que dans le cadre de l'ONU. Même le Congrès américain qui a débattu de la question ces derniers jours s'est montré très sceptique, devant les arguments présentés par les va-t-en-guerre de la Maison-Blanche, et reste peu convaincu de la nécessité d'attaquer l'Irak. Exprimant une opinion qui semble partagée par ses collègues, le sénateur républicain de l'Idaho, Larry Craig, affirme: «Si je devais voter aujourd'hui une résolution autorisant une intervention militaire, je voterais contre, car je ne pense pas que l'administration ait encore démontré au peuple américain la nécessité d'une telle action.» Résumant le sentiment général du Congrès, le politologue, Thomas Mann, de la Brookings Institution (Washington) relève : «Il est clair qu'il y a encore d'énormes doutes aussi bien chez les démocrates que chez les républicains au Congrès, quant à la sagesse de faire d'une intervention militaire en Irak une priorité dans le cadre d'une campagne élargie contre le terrorisme.» Alors même que la CIA vient de reconnaître qu'elle a fait chou blanc quant à trouver un lien entre les organisations terroristes et l'Irak. On se perd ainsi en conjonctures quant à l'exigence de l'Administration Bush, toutes affaires cessantes, d'intervenir militairement contre l'Irak. Est-ce réellement la priorité de l'heure lorsque, juste à côté, dans l'impunité totale, et face à la démission de la communauté internationale, l'armée israélienne commet des crimes horribles contre le peuple palestinien. Aujourd'hui, c'est le diktat que semble vouloir imposer l'Administration américaine qui est très inquiétant.