Alors que les professionnels de la santé évoquent toujours le manque de médicaments dans les hôpitaux, la Pharmacie centrale des hôpitaux (PCH) a commencé à réceptionner et distribuer les premiers lots de médicaments après avoir obtenu son autonomie et, par ricochet, la lettre de crédit pour les importations. « Plusieurs containers de médicaments se trouvent au niveau des douanes alors que d'autres lots n'ont toujours pas été expédiés par nos fournisseurs à cause de la dernière vague de froid qui a paralysé le transport international », affirme le Dr Chérif Dellih, directeur de la PCH. Toutefois il précise que l'approvisionnement des hôpitaux en médicaments se fait régulièrement avec en priorité les produits destinés aux malades chroniques. « Récemment, nous en avons expédié plus de 35 tonnes à Tizi-Ouzou. Ce lot est composé également de médicaments d'urgence pour les soins pédiatriques, l'hypertension, l'insuffisance rénale, les complications cardiaques, les maladies du sang et le diabète », précise le Docteur qui, par ailleurs, tient à rassurer que l'approvisionnement des hôpitaux se fait continuellement et se renforcera davantage avec l'arrivage des médicaments dont l'acheminement vers le port d'Alger a été freiné par des conditions climatiques exceptionnelles. LES PROFESSEURS TIENNENT TOUJOURS À LEUR ENQUÊTE Reste que pour les syndicats des hospitalo-universitaires, la pénurie des médicaments dans les hôpitaux, enregistrée depuis des mois, continue toujours à susciter l'inquiétude des professionnels de la santé par rapport à la prise en charge des malades chroniques. Pour le professeur Belhadj, membre du syndicat des hospitalo-universitaires, le manque de médicaments persiste dans les services du CHU Mustapaha-Pacha. « Chaque jour les rapports des chefs des services mentionnent le manque de Salbutamol (broncho-dilatateur), de l'Adrénaline (traitement des arrêts cardio-circulatoires) et bien d'autres », affirme-t-il. Pour lui, le fait que la PCH a eu finalement son autonomie de gestion ne règle pas dans l'immédiat ce problème. « Il faut savoir qu'il faudra du temps pour pouvoir commander et importer des médicaments. L'achat des médicaments ne se fait pas à coup de téléphone », explique le professeur qui se dit ne pas comprendre les raisons de cette pénurie. Et c'est justement pour les identifier que le syndicat des hospitalo-universitaires a voulu diligenter une enquête. « On montre du doigt les importateurs, les grossistes, les paramédicaux, les médecins, les douanes, la pharmacie centrale et le ministère mais rien n'a été fait pour prouver ces accusations. Et c'est pour cette raison qu'on a voulu enclencher une enquête », a précisé le professeur. Mais selon Mohamed Yousfi, président du syndicat des praticiens spécialites, le dysfonctionnement réside dans la gestion et la distribution des médicaments. Depuis des mois, voire des années, on constate cette pénurie sans pouvoir trouver de remède. Chacun accuse l'autre et ça dure depuis des années sans que le médicament soit disponible pour soulager le malade. Je dirai que le fond du problème ne réside pas uniquement dans l'importation, il est plutôt lié à la politique générale du secteur de la santé », estime-t-il. Le syndicaliste se dit sceptique face aux dernières mesures prises par la tutelle pour accélérer le processus d'importation. Et pour cause, ce mécanisme exige beaucoup de temps. « Je vous parle en tant que chef de service. Actuellement, j'ai une liste de médicaments manquant, mais vitaux pour le service d'infectiologie de l'hôpital de Boufarik », relève-t-il. « L'ETAT DOIT INTERVENIR AVEC UNE MAIN DE FER » Situation que confirme le porte-parole du Syndicat des pharmaciens d'officines (Snapo), Fayçal Abed, malgré la diminution du nombre de médicaments manquant de 300 à 270. « Face à cette rareté des produits surtout ceux sont destinés aux malades chroniques, les grossistes nous imposent la vente concomitante. Certaines officines se retrouvent aujourd'hui, avec un surplus de médicaments juste pour avoir quelques boîtes de médicaments destinés aux diabétiques. Nous sommes tenus de trouver les médicaments pour nos clients d'autant qu'on a signé une convention avec la CNAS », précise M. Abed. Il s'interroge sur cette pénurie qui persiste alors que l'Etat a mis tous les moyens pour stabiliser le marché, y compris en annulant le Credoc qui posait problème pour l'importation. « Il faudra que l'Etat intervienne d'une main de fer pour identifier ces criminels derrière cette pénurie », préconise-t-il. Du côté des malades, le Dr Moussaoui, président de l'association de lutte contre le cancer, El-Badr, observe que la pénurie des médicaments en particulier ceux destinés aux cancéreux persiste. « Sans spéculer trop sur ce phénomène, nous, en tant qu'association, avons des cas d'urgence qui nous contraignent à solliciter nos adhérents et donateurs pour nous procurer certaines médicaments de l'étranger », affirme-t-il.