« Le temps est venu d'appliquer la proposition d'envoyer des forces arabes et internationales en Syrie », déclare cheïkh Hamad ben Jassem al-Thani. Le Royaume wahhabite en veut encore au veto opposé par la Russie et la Chine au Conseil de sécurité. « Cette position a donné au régime syrien un passe-droit pour poursuivre ses pratiques brutales contre le peuple syrien, sans compassion et sans pitié », affirme Saoud al-Fayçal, le chef de la diplomatie saoudienne, hier au Caire. Nabil Al Arabi y avait réuni les ministres arabes des Affaires étrangères, dont Mourad Medelci, auxquels s'est joint Sergueï Lavrov, le patron de la diplomatie russe, pour trouver une solution à crise syrienne qui fera un an jeudi prochain. Au grand regret des va-t-en-guerre, les conviés au siège de la Ligue arabe se sont entendus sur un plan en cinq points basé sur la résolution de l'Assemblée générale des Nations unies, adoptée le 16 février dernier. Ils appellent à « la fin de la violence en Syrie d'où qu'elle vienne », à la mise en place d'« un mécanisme de supervision impartial » et à l'autorisation de l'aide humanitaire « sans entraves » et à un soutien à la mission de Kofi Annan, l'envoyé de l'ONU et de la Ligue arabe en Syrie. Cinquième et dernier point, ils refusent toute intervention étrangère. « Aujourd'hui, le plus urgent est de mettre fin à la violence, quelle qu'en soit son origine », estime Lavrov, demandant aux forces du régime et de l'opposition de sortir des villes. « Nous ne pouvons accepter seulement un cessez-le-feu et il n'est plus possible pour les Arabes de faire preuve de patience », lui rétorque cheïkh Hamad ben Jassem al Thani préconisant la reconnaissance du Conseil national syrien comme le représentant légitime du peuple syrien et l'envoi des forces arabes et internationales en Syrie où, selon lui, un « génocide » se perpétue. « Nous ne protégeons pas un régime. Nous sommes fermement attachés au respect du droit international, de la charte des Nations unies et aux principes de respect de la souveraineté, de l'intégrité territoriale et de la non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats, en particulier les ingérences de nature militaire », explique Lavrov avant de rappeler la démarche de son pays et de la Chine : obtenir un cessez-le-feu d'abord, ouvrir sous l'égide de l'ONU un dialogue politique sincère entre le pouvoir et l'opposition et s'opposer au Conseil de sécurité à toute résolution « déséquilibrée » ou porteuse en filigrane d'une « ingérence grossière » dans ce conflit. Autrement dit, la crise ne peut être imputable à un seul camp, selon Moscou. Position que la France réfute. « On ne peut renvoyer dos à dos le régime syrien et ceux qui se battent contre la répression », avertit Alain Juppé. A des centaines de kilomètres du Caire, Al Assad déclarait à Annan, qui souhaitait négocier « un cessez-le-feu, une solution politique globale et un accès des populations à une aide humanitaire », qu'il adhère à tout effort « sincère » pour résoudre la crise qui secoue son pays. Mais, prévient-il, « tout dialogue ou processus politique ne peut réussir tant qu'il y a des groupes terroristes qui œuvrent pour semer le chaos et la déstabilisation en s'attaquant aux civils et aux militaires », et « le succès de tout effort requiert en premier d'examiner ce qui se passe sur le terrain au lieu de se baser sur des suppositions que propagent certains pays de la région et autres pour déformer les réalités et donner une image différente de la situation en Syrie ». Al Assad n'est pas le seul à poser ses conditions. « Nous rejetons tout dialogue tant que les chars bombardent nos villes, que les tireurs embusqués abattent nos femmes et nos enfants et que de nombreuses régions sont coupées du reste du monde par le régime, privées d'électricité, de communications et d'eau », affirme l'opposition. Du pain sur la planche en perspective pour Kofi Annan qui reste opposé à toute militarisation de la crise.