Née en Algérie en 1941, elle a exercé de 1966 à 1977 le métier d'avocate à la Cour d'Alger et mené parallèlement des activités journalistiques et culturelles. Rédactrice en chef du premier hebdomadaire maghrébin libre «Contact» (1970-1973), elle est l'auteure d'un livre (1975) sur le cinéma maghrébin qui est un plaidoyer pour la liberté d'expression «En attendant Omar Guatlato», et un ouvrage d'art sur la parure des femmes berbères «Abzim», un hommage à la créativité des femmes de son pays (1986). Quel est votre sentiment sur la participation d'une écrivaine de talent comme vous dans une ville hors de la capitale ? Ce café littéraire a l'habitude de recevoir un bon nombre d'hommes de culture à l'image de Rachid Boudjedra, Nadia Kaci. Aujourd'hui, c'est mon tour et je suis heureuse d'y être conviée. Je considère la ville de Bejaia la plus importante en Algérie. En plus, je suis née dans la ville de Yemma Gouraya. Permettez-nous de revenir sur votre premier livre intitulé « Une éducation algérienne ». La photo de la couverture est bien d'époque. Symbolise-t-elle le fond des analyses et des réflexions contenu dans le livre ? Ce livre est perçu de trois manières différentes. La version française propose une photo de la guerre d'Algérie, tandis que la version italienne est imagée par un tableau de Matisse avec une femme qui contemple la mer. Quant à la version algérienne, on a sélectionné une photo de famille qui représente mes trois grands oncles qui ont vécu à Bejaia. En somme, cet ouvrage a été perçu de trois façons différentes par des lectorats différents. J'estime que les trois couvertures illustrent bien l'esprit de l'ouvrage. Vous venez de publier un 2e ouvrage. Est-ce une continuité de votre parcours ou une poursuite du message que vous voulez transmettre ? « Une femme en colère » s'inscrit dans l'esprit de continuité de mon parcours professionnel. J'essaye d'aborder des questions de notre temps à travers une subjectivité, un vécu. Car je ne tiens à donner de leçons à personne, je ne prétends pas faire de l'histoire, ni parler au nom des autres. Je raconte seulement mon histoire. J'essaye de me situer en témoin de l'histoire et du temps. Comment associez-vous votre métier d'écrivaine à vos fonctions internationales au service de l'émancipation de la personnalité féminine ? Mon travail à travers mes ouvrages est de dire et d'essayer de transmettre mon vécu. Mon métier de fonctionnaire international et d'avocate m'ont permis pendant 20 ans de travailler sur la question des femmes et m'a offert, j'espère, une forme de crédibilité et d'intelligence ainsi qu'une expérience très riche et vaste de notre société. Où en est le combat de l'émancipation féminine particulièrement dans nos pays ? Au sujet de l'émancipation des femmes en Algérie, nous sommes aujourd'hui dans une situation difficile, parce qu'il y a des mouvements, des déclarations, des prises de position et des constructions antiféministes un peu partout (école, mosquée..). Alors que le mouvement féministe existe bel et bien en Algérie mais il est fragilisé par toutes ces agressions extérieures. Quelle est votre vision de l'islam et des interprétations fausses ou réelles de son usage ? Il faut savoir que les religions sont perpétuellement interprétées. Pour ceux qui croient en Dieu, c'est un message divin appliqué sur Terre. Je regrette qu'aujourd'hui un bon nombre de situations de règles sociales se fassent passer pour des règles religieuses. C'est aberrant ! Les sociétés occidentales se dressent à tort ou à raison contre le port du voile partiel ou intégral. N'est-ce pas une fausse vision d'un monde mal perçu ? Ce n'est pas vrai. Les sociétés occidentales sont très divisées sur ce sujet. Certains alimentent leur haine contre les étrangers, particulièrement contre les magrébins. Il existe une autre partie de la population qui respecte le port du voile et le considère comme une forme de culture. Tandis que la majorité de la population française qui n'est ni raciste, ni engagée pour soutenir des pratiques est étonnée devant l'obsession des musulmans sur le corps des femmes. En tant que militante féminine démocrate, je suis contre le port du voile parce que c'est la culture du Harem. Les droits de la femme en Algérie, sur le plan théorique gagnent du terrain notamment avec l'apparition d'un arsenal juridique. Vous, en votre qualité d'avocate et défenseur des droits de la femme, le constatez-vous dans la pratique quotidienne ? Pensez-vous que cet amendement des textes est suffisant ? Il y a beaucoup à faire au sujet des droits des femmes, car il n'y a pas d'égalité juridique. Le problème d'égalité est un problème d'éthique. Toutes les lois n'ont pas d'efficacité, tant qu'on ne reconnaît pas l'égalité en droit des femmes. L'amendement des textes n'est pas suffisant. Dans vos projets d'écriture, avez-vous déjà un sujet d'inspiration ? J'ambitionne d'écrire un livre sur Bejaïa.