Le Monde Diplomatique vient de publier un reportage sur ces événements, avec des témoignages citant y compris le travail de deux historiens algériens. Résultats, des hypothèses rien que des hypothèses, tellement la situation était confuse et la région bien prise en tenailles par les groupes de l'OAS qui avaient, et ce n'est un secret pour personne, « des complicités au sein même de l'armée ». Le rapport officiel entériné par les autorités françaises, à l'époque, ne retient que le chiffre de 25 victimes européennes sur 101 personnes décédées ce jour-là. C'est-à-dire qu'il y avait eu trois fois plus de victimes (76) Algériennes et dont les cadavres avaient été déposés à la morgue de l'hôpital civil. Fouad Soufi, conservateur en chef aux Archives nationales d'Algérie et chercheur au Centre de recherches en Anthropologie Sociale et Culturelle [CRASC] d'Oran est de ceux qui ont voulu comprendre ces évènements. Il a présenté les conclusions de ses travaux à l'occasion d'un colloque sur l'histoire de la révolution algérienne tenu en décembre 2006 à l'université de Skikda devant un panel d'historiens dont des Français puis lors d'un colloque qui a eu lieu à la Sorbonne en l'honneur de Charles Robert Ageron, historien spécialiste de l'Algérie coloniale. Au-delà de la polémique des chiffres (les chercheurs passent de 1500 à 200 puis 300 pour accepter un nombre plus bas encore, 50), on ne sait même pas qui a été à l'origine des tirs. Plus encore, Bernard Droz, Evelyne Lever, Jean Lacouture puis Benjamin Stora rappellent que parmi les victimes de cette tragique journée du 5 juillet 1962, « il y eut également des Algériens. » Sans vouloir opposer des victimes à d'autres , il est utile de souligner que les Algériens ont payé un lourd tribut à la sinistre Organisation armée secrète (OAS) qui a fait, entre 1961 et 1962 à Oran, plus de 1 100 victimes civiles algériennes. L'historien Sadek Benkada est revenu tout récemment, sur le sujet, dans une conférence intitulée « Villes et massacres collectifs : le cas d'Oran 1961-1962 », organisée par le Centre de recherche en anthropologie sociale et culturelle (CRASC). Pour lui, ce nombre pourrait être encore plus consistant. -Soldats français, officiers également cible des exactions de l'OAS Car selon Sadek Benkada il est « difficile de déterminer le nombre exact des victimes des crimes commis par l'OAS ». Plusieurs « n'ont pas été inscrites sur les registres de décès de l'état civil ». Cela est dû au fait que « dans certains cas on enterrait les victimes dans l'urgence, sans recourir à l'état civil, dans d'autres, les victimes étaient méconnaissables, le lynchage étant l'une des méthodes d'exécution de l'OAS, dans certains cas, les assassins de l'OAS tuent et enterrent leurs victimes. Le chercheur ajoute que des victimes des “massacres des routes” perpétrés par de faux officiers de l'armée française, érigeant de faux barrage sur la route reliant Oran et Tlemcen, n'ont pas été aussi inscrits sur les registres » de l'état civil. Détail important souligné par le conférencier, les Algériens n'étaient pas la seule cible de l'OAS, puisque « des appelés de l'armée française et des officiers français engagés dans la lutte anti-OAS, ont été également soumis aux exactions de la sinistre armée terroriste ». Oran, on le sait, est l'une des villes algériennes où les provocations de l'OAS furent les plus sanglantes. Pourtant des villes comme Sidi Bel Abbés ou encore Skikda comptaient plus de colons que la population locale. Dans un débat , en mars 2008, sur le film controversé du cinéaste Jean Pierre Llédo , qui aborde justement ces événements , l'historien Mohamed Harbi dira qu'« on ne peut pas oublier ce qui s'y est passé » dans l'Oranie. Pour Harbi, « on peut se demander pourquoi cela ne s'est pas passé ailleurs de la même manière ». Il explique que « l'Oranie, à partir de janvier-février 1962, appartenait fondamentalement à l'OAS : dans tous les documents français qu'on a pu lire – aussi bien les rapports qui ont été faits par le général Fritz, que les rapports qui ont été faits par le général Ailleret, ou plus tard par le général Katz –, on disait que toute la population européenne était acquise à l'OAS, que les administrations aussi et l'armée étaient acquises à l'OAS ».